Amir était un petit garçon arrivé pieds nus, fin mai, dans un des points de distribution d’aide alimentaire de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF). Il avait fait 12 kilomètres pour venir chercher de la nourriture. Anthony Aguilar, un agent de sécurité américain, avait essayé de le rassurer, lui disant que le monde faisait attention à lui, malgré le peu de nourriture, « des miettes », que l’enfant avait pu récolter. Peu de temps après, il a été tué par l’armée israélienne dans l’une des nombreuses fusillades dénoncées par les témoins sur place, selon le témoignage de cet homme, confié à la correspondante de France 24 Noga Tarnopolsky pour le média américain UnXeptable.

Anthony Aguilar, qui a exercé dans l’armée américaine comme lieutenant-colonel, a travaillé pendant six semaines pour UG Solutions, un sous-traitant de la Fondation humanitaire de Gaza, soutenue par les Etats-Unis et Israël. Et depuis qu’il est revenu de l’enfer, il parle.

Crimes de guerre

A la BBC, d’abord, il a confié il y a quelques jours avoir assisté, « sans aucun doute possible », à des « crimes de guerre » de la part des forces israéliennes. « Je (les) ai vu les tirer sur une foule de Palestiniens, détruire une voiture remplie de civils ». « Je n’ai jamais vu un tel niveau de brutalité et d’utilisation indiscriminée et non nécessaire de la force contre une population civile non armée et affamée. J’ai été déployé dans différents endroits dans le monde mais je n’ai jamais vu ça ailleurs qu’à Gaza, commis par l’armée israélienne et des contractuels américains », affirme-t-il.

Sur France 24, il dénonce ce mercredi la « complicité » de son ancien employeur dans ces crimes de guerre. « Des employés d’UG Solutions à Gaza utilisent des munitions non létales et létales de façon non autorisée. Et des gens sont blessés… Des Palestiniens sont blessés », affirme-t-il.

« Comportement inapproprié »

La Fondation humanitaire de Gaza (GHF), qui a commencé à distribuer des boîtes de produits alimentaires le 26 mai, après un blocus de plus de deux mois imposé par Israël à l’entrée de toute aide humanitaire, a nié ces accusations. Elle a mis en doute les motivations d’Aguilar, affirmant qu’il avait récemment été licencié pour « comportement inapproprié », selon la BBC. Des affirmations rejetées par l’intéressé.

L’armée israélienne, quant à elle, a déclaré que « des investigations étaient en cours après des incidents dans lesquels des dommages auraient été portés à des civils ».

« Il s’est enfui, terrorisé »

Amir, quant à lui, n’a jamais pu rapporter son demi-sac de riz et de lentilles à sa famille. « Il nous a remerciés pour les miettes qu’il avait reçues, raconte Anthony Aguilar, des sanglots dans la voix. Il a posé ses affaires par terre et ses mains émaciées, squelettiques et frêles sur mon visage, et il m’a embrassé et m’a dit  »thank you ». Il a ensuite repris ses affaires, il est reparti dans la foule, et on leur a tiré dessus, à coups de gaz lacrymogène, de grenades et de balles ».

« Il s’est enfui, terrorisé. Et au moment où ils s’enfuyaient, j’ai entendu des mitraillettes. J’ai vu l’armée israélienne qui tirait sur la foule, et les corps qui tombaient par terre. Et j’ai vu Amir mourir », poursuit Anthony Aguilar.

Plus de 1.000 morts dans des distributions alimentaires

L’ONU a accusé récemment l’armée israélienne d’avoir tué à Gaza, depuis fin mai, plus de 1.000 personnes qui tentaient d’obtenir de l’aide, dont la grande majorité près des sites de la fondation GHF soutenue par les Etats-Unis et Israël. Les distributions de GHF ont donné lieu à des scènes chaotiques, l’armée israélienne ayant fait feu à plusieurs reprises pour tenter de contenir des centaines de Palestiniens désespérés.

L’ONU et les principales organisations d’aide ont refusé de travailler avec la GHF, affirmant qu’elle servait les objectifs militaires israéliens et violait les principes humanitaires de base.