Par

Léa Pippinato

Publié le

30 juil. 2025 à 17h23

Le 19 février dernier, 200 chauves-souris de Seba ont été euthanasiées au zoo de Lunaret à Montpellier. L’information n’a pas été rendue publique immédiatement. Ces animaux, autrefois installés dans la serre amazonienne, avaient été déplacés dans un bâtiment provisoire après la fermeture de cette structure en 2022. La décision, prise selon la Ville pour des raisons de bien-être animal, a provoqué une onde de choc. Eddine Ariztegui, adjoint au maire délégué à la condition animale et élu du Parti animaliste, dénonce une mise à mort injustifiée et un manquement démocratique.

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L’élu affirme avoir appris les faits « par hasard, courant mars », soit un mois après les euthanasies. « J’ai été scandalisé. On ne m’a pas informé. J’ai été court-circuité dans l’histoire », assure-t-il. Selon lui, cette décision contredit une délibération votée en conseil municipal en 2024, interdisant les euthanasies d’animaux pour des motifs non médicaux. « Le conseil municipal avait voté ce texte à l’unanimité. Pourtant, 200 animaux en parfaite santé ont été euthanasiés. » Eddine Ariztegui avait pourtant tenté d’agir en amont. En 2021 déjà, il avait refusé une première proposition d’euthanasie des chauves-souris. Il dit avoir ensuite entrepris des démarches auprès de près de 1 000 institutions à travers le monde. Ses recherches ont permis le transfert de 80 chauves-souris vers Berlin et de 50 autres dans un zoo français en janvier 2025. Pour les animaux restants, il avait proposé de créer un enclos spécifique au sein du zoo. Estimé à 200 000 euros, ce projet n’a jamais été financé.

« Le conseil municipal avait voté ce texte à l’unanimité. Pourtant, 200 animaux en parfaite santé ont été euthanasiés. »

Eddine Ariztegui
Élu délégué au bien-être animal

La Ville évoque une impasse et la pression des autorités

Du côté de la Ville, la version est toute autre. La direction du zoo rappelle que la serre amazonienne, où vivaient initialement les chauves-souris, avait été fermée en raison de sa vétusté. En juin 2021, un rapport de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) soulignait des conditions de vie « dégradées » pour les animaux comme pour le public. « La priorité a alors été de reloger les espèces. La majorité des individus, près de 200 chauves-souris, ont ainsi été placés dans d’autres parcs animaliers en France ou en Europe », précise la Ville. Mais pour les individus restants, la situation s’est tendue. Selon la municipalité, la DDPP a mis en demeure le zoo en février 2024 de ne plus maintenir les chauves-souris dans les installations provisoires. Ces structures, inadaptées à leurs besoins physiologiques, ne permettaient pas de garantir leur survie. Des décès avaient déjà été constatés par l’équipe médicale. 

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La Ville explique également que la piste d’une réintroduction en Guyane a été explorée mais écartée. Le conseil scientifique du patrimoine naturel (CSRPN) de la région Guyane a rendu un avis défavorable, évoquant les risques de consanguinité, de transmission de parasites ou de déséquilibre écologique. « Toutes les solutions d’accueil avaient été épuisées », affirme la Ville, qui insiste sur le fait que « la décision a été prise dans un souci de respect du bien-être animal. » L’euthanasie s’est faite sans manipulation physique : un anesthésiant a été diffusé dans l’air, provoquant un endormissement profond. La Ville précise que « ce protocole a été choisi pour éviter toute douleur ou stress chez les animaux. »

Une contradiction qui interroge

Ce dossier soulève une contradiction apparente avec l’image que Montpellier s’est construite autour de la condition animale. Dans le hall de l’Hôtel de Ville, une plaque rappelle l’attachement symbolique de la commune à la Déclaration universelle des droits de l’animal. Montpellier figure parmi les villes les mieux classées du palmarès « Une ville pour les animaux » publié par L214, aux côtés de Grenoble, Strasbourg et Lyon. Elle est également en 3e position du classement des villes les plus « dog friendly » selon le magazine 30 millions d’amis.

Le Parti animaliste reconnaît les avancées engagées sous cette majorité, comme la future création d’un hôpital pour la faune sauvage destiné à accueillir les animaux de la faune locale (oiseaux, petits mammifères…), en cours d’installation près du zoo. Mais pour Eddine Ariztegui, qui avait par ailleurs indiqué à un journaliste de Métropolitain le 30 juin en aparté de la présentation de ce futur équipement l’euthanasie des chauves-souris face à l’absence de solutions laissant penser que l’affaire en resterait là, ces avancées ne doivent pas occulter les failles. « Ce que nous avons fait à Montpellier en cinq ans est exceptionnel. Mais je ne fermerai pas les yeux sur un scandale pareil. Il faut dire la vérité et agir. Si j’ai été élu, c’est pour protéger les animaux. C’est ce que je fais aujourd’hui. »

Une bataille juridique et politique

L’élu a donc déposé un recours devant le tribunal administratif. Son objectif : obtenir une décision qui établisse l’illégalité de cette euthanasie. « Cela permettrait d’empêcher que d’autres animaux subissent le même sort. » Selon lui, cette affaire dépasse le seul cadre montpelliérain. Il souhaite maintenant porter ce combat au niveau national. Le Parti animaliste appelle à une législation interdisant le culling, une pratique encore fréquente dans les parcs zoologiques. « Dans de nombreux zoos, on fait naître des animaux puis on les tue quand ils deviennent trop nombreux ou inutiles. Ce n’est pas éthique. Il faut transformer les zoos en refuges. »

🦇 Le culling, qu’est-ce que c’est ?

Le culling désigne la mise à mort d’animaux en captivité pour des raisons non médicales. Cette pratique est utilisée principalement dans les zoos, lorsqu’un individu devient « inutile » à un programme de reproduction, ou que le groupe est jugé trop nombreux, déséquilibré (trop de mâles, par exemple) ou difficile à placer. Contrairement à une euthanasie motivée par une souffrance ou une maladie incurable, le culling repose sur des critères logistiques, économiques ou de gestion de population.

Bien qu’elle soit légale dans certains pays, cette pratique soulève des débats éthiques de plus en plus vifs, notamment lorsqu’elle concerne des animaux nés sous la responsabilité directe des établissements qui les tuent ensuite.

À Montpellier, cette transition est amorcée. « On a commencé à développer une activité de refuge dans le zoo », souligne Eddine Ariztegui. Cela permet de garder une vocation pédagogique pour les humains, tout en accueillant des animaux saisis, abandonnés, ou issus des cirques qui devront s’en séparer d’ici 2028. » Contrairement aux structures classiques, ces refuges n’autorisent pas la reproduction, ce qui, selon lui, évite les impasses comme celle des chauves-souris de Montpellier.

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