Par

Laure Gentil

Publié le

30 juil. 2025 à 17h50

Elle ouvre la porte avec un grand sourire, l’ambiance est décontractée. Elle s’assied sur un fauteuil noir à la table de réunion en face de son bureau, qui lui, étrange dichotomie, est d’une blancheur éclatante. Derrière, le portrait officiel d’Emmanuel Macron est accroché au mur.

Johanna Rolland, première magistrate de Nantes, d’ordinaire discrète, surtout avec la presse, a accepté de rencontrer actu Nantes. Elle nous avait donné rendez-vous dans un café, mais un imprévu pousse finalement la maire socialiste de la cité des Ducs de Bretagne à nous recevoir dans son bureau, dont les fenêtres donnent sur les jardins de la mairie. Un bureau qu’elle occupe depuis plus de dix ans maintenant.

« On partait de Vertou en prenant le 28 »

Johanna Rolland a vécu toute son enfance à Vertou. Elle est l’aînée de trois filles, sa mère était enseignante et croyante, son père, employé de banque, anticlérical et syndicaliste. Un couple aux antipodes mais les contraires s’attirent. « Il y avait une sorte d’alchimie entre engagement discret et engagement au sens revendicatif », remarque-t-elle avec amusement. « J’ai pris un peu des deux ».

J’ai grandi dans une famille où l’engagement était important. Une famille typiquement de l’ouest. Ils nous ont transmis ces idées de rapport à l’autre, d’être attentifs aux autres…

Johanna Rolland
Maire de Nantes

C’est aussi à cette période que Johanna Rolland se découvre une passion pour le basket, passion qu’elle partage avec son père, au point de devenir entraîneuse d’une équipe à Vertou. Scolarisée d’abord au collège Jean-Monnet, elle rejoint le lycée Les Bourdonnières où elle obtient le bac, puis une classe préparatoire au lycée Gabriel-Guist’hau : « ça faisait un petit changement de décor », blague la maire.

Johanna Rolland a vécu son enfance à Vertou, dans la métropole de Nantes.
Johanna Rolland a vécu son enfance à Vertou, dans la métropole de Nantes. (©Laure Gentil / actu Nantes)

« On partait de Vertou en prenant le 28 pour arriver place du Commerce, à l’époque tous les bus se retrouvaient là », se remémore-t-elle, en appuyant ses bras sur les accoudoirs de son fauteuil.

Le carnaval, les sorties avec les cousines au Bouffay, la première fois qu’elle participe à la fête de la musique à Nantes… Elle se souvient de ces moments avec joie. Son sourire est parlant lorsqu’elle les évoque : « J’ai eu une enfance très heureuse, pleine d’amour, la vie m’a beaucoup donné ».

« Je ne cochais pas les cases habituelles »

Mais Johanna Rolland avait pour ambition de voyager, rester à Nantes n’était pas son objectif premier. Elle quitte la ville pour étudier à Sciences Po Lille puis Sciences Po Grenoble. Elle part plus loin encore, en Bosnie et en Afrique de Sud. Son rêve ? Travailler à l’international.

Ce n’est qu’en 2002, qu’elle revient en France, notamment pour être proche de sa mère, malade, qu’elle perdra quelques jours après son entretien d’embauche à la Ville du Creusot (Saône-et-Loire).

Elle y rencontre alors Geneviève Mauguet, « un dinosaure du service public », qui la convainc « de la noblesse » dudit service, et un « grand frère » dont elle tait le nom, qui l’a prise sous son aile. Cette succession de rencontres l’a aidé à se bâtir.

Quand je suis arrivée, je ne cochais pas les cases habituelles. J’étais une fille blanche, surdiplômée, dans leur tête j’étais certainement une « bourge ». Ils m’ont un peu regardé de travers quand j’ai dit que je voulais travailler dans les quartiers populaires. J’ai appris beaucoup de choses avec eux et je pense leur avoir appris quelques trucs aussi.

Johanna Rolland
Maire de Nantes

Des années plus tard, alors qu’elle songe à se présenter pour la première fois aux élections municipales de Nantes – qu’elle appelle malicieusement « la plus belle ville du pays »- il fait partie de ceux vers lesquels elle se tourne pour connaître son avis.

La campagne de 2014, qui l’a menée à devenir la première femme maire de Nantes, n’a pas été de tout repos. « J’avais deux enfants en bas âge, et à chaque fois, les journalistes me demandaient ce que ça faisait d’être ‘une jeune femme, mère de deux jeunes enfants et candidate dans une grande ville’. C’était devenu une blague avec mon équipe », ironise l’édile.

C’est un sujet sur lequel elle dit avoir « évolué ». Aujourd’hui, elle affirme mieux apprécier la manière dont être une femme a pu inspirer d’autres femmes à suivre ses pas. « J’ai fait le choix depuis d’accepter de raconter cette part-là. »

Une personnalité cachée derrière la fonction ?

Julien Bainvel, candidat aux municipales de 2026, connaît sa concurrente, politiquement si ce n’est personnellement, depuis ses débuts. « Johanna Rolland est assez dure à lire », nous admet-il. Il reconnaît son talent oratoire, bien qu’il critique ce qu’il estime être son « côté un peu sec, cassant, voire méprisant, quand les débats sont un peu houleux en conseil municipal ».

« Quand il y a des sujets de valeur en jeu, je ne mâche pas mes mots ! », balaie-t-elle avec un geste de la main. « C’est quelque chose qui s’est fait au fil des années, j’aime bien ça parce que c’est le moment de partager sa sincérité. J’ai pris l’habitude de faire une part de mes discours sans notes. Ça permet d’être les yeux dans les yeux avec les gens ».

Au fil de l’entretien, c’est une femme plutôt détendue qui se dévoile, loin de son rôle de maire. Pour Ali Rebouh, son adjoint, qui la connaît depuis plus de 20 ans : « il y a un décalage entre la maire et Johanna ». « C’est une question de confiance », nous assure-t-il. « C’est une femme courageuse et attachante ».

La fonction ne reflète pas sa personnalité. En tant que personne elle est très avenante, mais dans la fonction, il y a un côté froid.

Ali Rebouh
Adjoint à la mairie

Cette capacité à séparer le personnel et le professionnel est selon lui une des forces de Johanna Rolland mais aussi, un de ses petits défauts : « Parfois, j’aimerais la voir dégager un peu plus l’image que je connais d’elle ».

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