Il y a un domaine dans lequel l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) suscite des craintes, c’est celui du travail où l’on redoute un remplacement de l’homme par la machine. Faut-il s’en inquiéter ou s’attendre, à l’instar de ce qui s’est produit avec révolution industrielle, à un simple bouleversement transitoire ?

Je crois que l’on est sur le même schéma que celui observé à l’époque de la révolution industrielle et je crois qu’il faut s’en inquiéter. On est face à des avancées technologiques mais, comme au XIXe siècle, celles-ci ne vont améliorer ni les conditions de travail ni la qualité de ce qui est produit. Les intérêts et les dynamiques de pouvoir qui sont à l’œuvre amènent l’industrie à utiliser l’IA pour automatiser certaines tâches mais l’objectif est moins souvent d’améliorer la qualité de ce qui va être produit – on ne sera pas au niveau de ce que fait l’humain – que d’accroître le contrôle et les gains.

Justement, que sait-on des retombées économiques de l’IA ?

Ce qu’on peut dire, c’est que les perspectives de gains économiques liés à l’utilisation de l’IA sont largement revues à la baisse ces derniers temps. C’est notamment ce qu’ont mis au jour les travaux de Daron Acemoglu, le prix Nobel d’économie 2024.

Des inquiétudes sur l’utilisation de l’IA dans le domaine de l’éducation

En matière d’éducation, d’aucuns voient dans l’IA la promesse d’enseignements personnalisés plus efficaces, mais aussi la possibilité de se faire aider dans des devoirs complexes. Ne serait-ce pas la fin du projet éducatif moderne : celui qui vise à autonomiser l’individu pour en faire un citoyen ?

L’IA ne peut nous dispenser de réfléchir à ce qu’est l’éducation et à ce que sont ses objectifs. Si l’objectif de l’éducation est de fabriquer des individus autonomes, dotés d’esprit critique, d’empathie, de conscience du monde, il faut se demander en quoi l’utilisation d’outils d’IA peut être utile. C’est une question à laquelle on n’a pas encore répondu. Mais plusieurs travaux scientifiques commencent à montrer les effets néfastes de l’utilisation des outils d’IA grand public dans le processus d’apprentissage des élèves. Car l’usage de l’IA permet d’arriver à un résultat – exemple : la production d’un écrit – en court-circuitant les étapes qui constituent le cœur de ce qu’est l’éducation, à savoir l’acquisition des compétences nécessaires pour arriver à ce résultat.