« Je veux revoir mes enfants. J’écris. J’écris presque tous les jours pour leur dire que je me suis battue pour les retrouver ».
Des milliers de pages ont été noircies par Michelle Plasse-Bauer. A de multiples reprises, cette Toulonnaise d’adoption a fait part à Var-matin de sa volonté à retrouver ses quartes enfants. « On me les a retirés. Je ne les ai jamais plus revus. Je suis arrivée un jour chez moi, il n’y avait plus personne », se désespérait-elle.
Une pionnière du parachutisme
Mais, le destin n’a pas fait de cadeau à l’une des premières femmes parachutistes dans l’armée a été tout autre. Toute sa vie, elle a dû se défendre, se battre pour retrouver sa dignité, sans jamais retrouver sa place de maman.
Michelle Plasse s’est éteinte avec son rêve, entourée par le personnel de la maison de retraite des Petites Sœurs des pauvres à Toulon le 23 octobre 2020, à l’âge de 72 ans. Seule, comme elle l’a été pendant près de trente ans, sans aucun contact avec ses trois filles et son fils.
Depuis le divorce en 1993 avec le père de ses enfants, un lieutenant-colonel dans l’armée de l’Air, elle a mené de nombreux combats judiciaires pour retrouver ses enfants. Elle a saisi la plus haute juridiction européenne pour faire valoir ses droits bafoués.
Une décision de la Cour européenne des Droits de l’homme du 31 mai 2005 porte son nom. Les magistrats ont estimé que la France n’a pas fait respecter ses droits sur la base de l’article 6 de la Convention européenne (absence de procès équitable).
Trente plaintes pour non-représentation d’enfant, le père relaxé
Michelle Plasse n’a pas été traitée par la Justice comme elle devait l’être. Elle avait un droit de visite dans un lieu défini (avec sa plus jeune fille) qui n’a jamais été -à une exception près- respecté. Elle a déposé une trentaine de plaintes pour non représentation d’enfant. “Qu’ont fait les juges? Rien. Je me heurte à un mur”, dénonçait-elle à chaque rencontre.
Elle utilise la notion d’aliénation parentale, une situation où le parent aliénant dénigre systématiquement l’autre parent en vue d’altérer gravement son image, voire porter des accusations graves ou fausses. Une sorte de manipulation psychologique, souvent mis à profit pour blesser, punir l’autre.
« Je ne sais pas avec quelle image de moi ont grandi mes enfants. On a mis en avant des expertises médicales et psychiatriques qui disaient que je n’étais pas en mesure de les voir à temps complet, mais pas de ne pas les voir à tout jamais. Oui, j’ai eu des moments difficiles ».
« Mais quelle image ont-ils de moi, leur mère? »
Oui aussi, la relation avec le père était conflictuelle, dans un milieu militaire, et elle a voulu un divorce pour faute qui finalement a été prononcé aux torts partagés. Oui, elle a sombré quand on lui a enlevé ses enfants, comme elle le disait. « Les aînés, majeurs, quelle image de leur mère ont-ils pour ne plus jamais être revenus vers moi? Au moins pour se parler en adultes? ».
« On a totalement nié le jugement que me donnait des droits et qui a rompu les liens avec mes enfants ».
Reconnue en tant que victime par la justice européenne, Michelle Plasse a alors saisi le TGI (tribunal judiciaire désormais) de Toulon pour faire reconnaître une faute lourde de l’Etat. Elle y croyait, Toulon l’a débouté. Le bras de fer n’était pas terminé pour elle.
Un appel est formé. Le 18 mai 2010, la première chambre de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence prononce une décision en sa faveur: elle condamne l’Etat français à verser à la plaignante 5.000 euros…
Le contenu du jugement est toutefois saisissant. Si le 7 décembre 1993, le juge aux affaires familiales du TGI de Tours, saisi d’une requête en divorce déposée par le père en juin 1993, il est constaté que Michelle Plasse était alors dans l’impossibilité (médicalement constatée). d’assurer la charge des enfants, il devait lui être réservé en l’état tout droit de visite et d’hébergement et confier au père l’exercice de l’autorité parentale.
Dans les faits, elle n’aura plus jamais aucun droit. Traduit devant le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence en novembre 2000 pour non‑représentation d’enfant, son ex-époux est relaxé au motif que ce délit n’était pas constitué du fait de la défaillance… du point rencontre, comme le précise l’assistante sociale des armées découvre-t-on dans le jugement.
Elle n’obtiendra qu’une visite, avec sa plus jeune fille, le 17 octobre 1997. L’enfant a 9 ans. Elle en avait 4 au moment du divorce. Elle n’a pas vu sa mère depuis des années. « Elle a vu une étrangère », se désespérait Michelle. Son fils, presque majeur, n’a pas souhaité la rencontrer. Les retrouvailles avec la benjamine de la famille ne se passent pas bien. C’est un nouveau traumatisme pour cette femme combative.
Un dossier dont personne ne voulait
Dans l’antichambre de la justice, le nom de Michel Plasse (Bauer Olivieri) fait parler. On met en doute son équilibre psychologique. « Si un père bénéficie de l’autorité parentale exclusive, il y a bien une raison », entend-on. Elle est devenue « le dossier à fuir ».
Au premier rendez-vous, au milieu des années 2000, on rencontre une femme marquée par son parcours personnel, mais combattante. Elle affirme vouloir revoir ses enfants, puis ses petits-enfants même. « Peut-être me comprendront-ils mieux en devenant parents », disait-elle.
Bien évidemment elle a évoqué le statut social de son ex-mari, un lieutenant-colonel décoré de la Légion d’honneur. Son réseau. Ses relations. « Moi qui j’étais face à tout cela? ». Elle s’est retrouvée sans domicile, sans ressources, affaiblie psychologiquement…
Elle s’engage dans l’armée et saute en parachute
Michelle Plasse est une femme déterminée depuis son plus jeune âge. Née à Saint-Etienne en 1948, elle va devenir une pionnière du parachutisme dans l’armée.
Déterminée, elle s’engage dans un milieu ultra masculin, avec pour spécialité les matériels de parachutage et de largage (désormais la Cellule de Maintenance Automatisée des Parachutes à Montauban). Elle n’est pas venue pour faire de la couture Michelle. Elle va sauter en parachute comme ses collègues féminines.
Sur le site des anciens MATPARA, on voit Michelle Plasse en tenant de parachutiste avant et après un saut. On y lit qu’un soir, elle a fait fuir un inconnu qui s’était introduit dans les chambres réservées aux féminines. Elle n’a pas froid aux yeux la jeune femme.
Elle se posera, les deux pieds au sol, lors de sa rencontre avec le père de ses quatre enfants qui, lui, gravira les échelons. L’ex-para devient femme au foyer et les disputes s’enchaînent. Elle nous expliquait avoir rejoint son domicile où les serrures avaient été changées.
Il n’y avait plus rien, plus personne. Le père et ses enfants étaient partis. Elle ne les reverra plus jamais. « Il y avait de quoi devenir dingue à ce moment-là », admettait-elle. Elle s’est reconstruite pour mieux lutter.
« Ma fille a été placée, alors qu’elle a une mère! »
Elle a déposé un courrier destiné à ses enfants au commissariat de Toulon dans une procédure de “recherche dans l’intérêt des familles”. « Mes enfants peuvent en être destinataires sans avoir à me dire où ils sont, sans avoir à me répondre. Je veux qu’ils sachent que je les ai toujours cherché ». Elle n’aura aucun retour.
Il y a aussi ce moment où elle se présente à Var-matin car elle vient d’apprendre que sa plus jeune fille a été placée dans un foyer de l’Aide à l’enfance. « Vous imaginez, elle est placée alors qu’elle a une mère! ».
« Je ne m’arrêterais jamais d’écrire, et pourquoi ne pas faire publier cette histoire », disait-elle lors des dernières entrevues.
Entre la nécessité de maintenir le lien parent-enfant, de respecter l’intérêt de l’enfance, le périple judiciaire de Michelle Plasse pose, en 2025, encore tant de questions.
« Mes droits de mère ont été bafoués. Je mourrais sans doute sans les avoir revus », livrait-elle en 2008. Elle ne voulait pas s’y résoudre.
Une affaire sordide qui révèle un grand secret
En février 2021, une sordide affaire est publiée dans Var-matin. Une jeune femme et sa sœur découvre que le cercueil de leur mère a été laissé seul, à l’écart, sur un muret par les pompes funèbres, au cimetière de Saint-Jean-Bonnefonds, près de Saint-Etienne.
Choquée par le comportement vis-à-vis de la défunte, l’une des filles explique alors avoir grandi sans sa mère qu’elle essayait de retrouver après avoir donné naissance à son premier enfant. Son père lui apprend que les derniers mandats envoyés à son ex-épouse sont revenus avec la notification « Personne décédée ».
Les recherches de la trentenaire aboutissent à Toulon. « Nous avons appris le décès de ma mère le 27 décembre 2000. Dès le lendemain, j’ai retrouvé la trace de ma maman prise en charge par la merveilleuse équipe de la maison de retraite des Petites sœurs des pauvres. C’est là que j’ai appris que sa mort remontait au mois d’octobre ».
La défunte s’appelait Michelle Plasse. Elle avait 72 ans.
Elle cherchait ses enfants.
Sa fille l’a retrouvée pour l’accompagner dans sa demeure : dans le caveau familial stéphanois, auprès des siens.