Le 16 juin 2025, Sandra Alloush, journaliste et réfugiée syrienne résidant en France depuis 2015, a été arrêtée à la frontière allemande entre Strasbourg et Kehl alors qu’elle se rendait à Berlin pour son travail. Malgré sa carte de séjour française et un document attestant du renouvellement en cours de son passeport, les policiers allemands ont estimé qu’elle tentait d’entrer illégalement en Allemagne.

Emmenée au poste, elle y a été fouillée intégralement, privée de liberté, empêchée de contacter un avocat et contrainte de signer des documents en allemand, sans en recevoir de copie. La police allemande affirme qu’elle fait l’objet d’une enquête pour tentative d’entrée illégale et non-collaboration.

Militante des droits humains, la journaliste, traumatisée par cet épisode, dénonce une violence policière injustifiée et une suspicion systématique envers les personnes migrantes, même régularisées. Elle a déposé plainte et envisage des poursuites judiciaires. Elle témoigne à Rue89 : « Je suis rejetée de tous les côtés, on me dit que je ne suis pas la bienvenue. Si la France cesse de me protéger et ne renouvelle pas mon titre, où suis-je supposée aller ? »

Sarah Alloush s’inquiète sur la précarité de sa situation administrative en France, alors que son titre de séjour expire dans un an, et redoute d’être un jour considérée comme indésirable des deux côtés de la frontière.

Une interpellation violente liée au durcissement de la frontière

Sandra Alloush a été arrêtée malgré la présentation de sa carte de séjour française, puis emmenée de force au poste de police, sans motif clair, sans cadre légal explicite. Menacée d’être menottée, fouillée à nu, empêchée de filmer ou d’alerter un proche, Sandra a vécu une humiliation délibérée. Celle-ci révèle la violence brute et profondément arbitraire qui accompagne les contrôles aux frontières pour les personnes immigrées ou perçues comme telles.

En effet, depuis le 16 septembre 2024, l’Allemagne a rétabli les contrôles systématiques à toutes ses frontières, une mesure xénophobe inédite et renforcée sous le gouvernement conservateur de Friedrich Merz qui a mobilisé 14 000 policiers, en arrivant au pouvoir en mai dernier, afin de refouler les personnes sans papiers. Une offensive réactionnaire qui prend pour prétexte l’attaque au couteau commise par un réfugié afghan à Aschaffenburg le 22, instrumentalisée à la fois par Merz et par l’extrême droite allemande. Une réforme du code Schengen, adoptée le 24 mai 2024, permet en effet à un État membre de rétablir les contrôles aux frontières en cas de menace grave pour sa sécurité. Ce dispositif juridique donne ainsi une légitimité institutionnelle à un agenda sécuritaire et raciste de plus en plus assumé.

Ces mesures font des émules en France, où le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau multiplie les rafles ciblant les personnes sans-papiers, les travailleurs en situation irrégulière, et plus largement les étrangers racisés. Le gouvernement français n’hésite pas à expulser des personnes réfugiées, y compris lorsqu’elles sont gravement exposées à des risques dans leur pays d’origine comme Sandra en Syrie. C’est également le cas d’Ia, une mère de famille géorgienne, renvoyée de force depuis Strasbourg. C’est aussi celui de Zehra Kurtay, journaliste kurde, réfugiée politique depuis 2007, aujourd’hui menacée d’expulsion vers la Turquie, où elle risque de subir de lourdes persécutions du fait de son opposition au régime d’Erdogan.

Ces décisions illustrent la brutalité croissante des politiques migratoires dans toute l’Europe, où la violence aux frontières se couple à des procédures administratives opaques et interminables : Sandra Alloush attend que la préfecture française valide sa demande de passeport depuis maintenant deux ans. Un exemple du parcours du combattant qu’est devenue la procédure d’obtention ou de renouvellement des titres de séjour : délais exorbitants, plateformes saturées, refus arbitraires. Une précarisation et une criminalisation organisée par l’administration, et accélérée par les offensives successives commel la dernière loi immigration et les circulaires Retailleau.

Face aux politiques racistes des gouvernements allemand et français : non au tri raciste, ouvrons les frontières !

L’affaire Sandra Alloush démontre une fois la logique raciste et violente qui structure aujourd’hui les politiques migratoires en France comme en Allemagne : le contrôle, l’humiliation, la précarisation et l’expulsion des personnes étrangères, ou perçues comme telles par l’État. Ces violences d’État, qu’elles prennent la forme de fouilles dégradantes, d’arrestations arbitraires, de non-renouvellement des titres de séjour ou d’enfermements en CRA, ne sont pas des exceptions. Elles sont le produit d’une escalade xénophobe et sécuritaire qui érige les personnes étrangères en bouc émissaire.

Face aux politiques racistes des gouvernements allemand et français nous revendiquons la fermeture CRA, l’abolition de la loi immigration et de toutes les lois xénophobes, la régularisation de tous les sans papiers sans conditions, l’ouverture des frontières et la liberté de circulation et d’installation. Alors que l’Europe forteresse se renforce, déroulant le tapis rouge à l’extrême droite, il faut lui opposer une réponse internationaliste par en bas qui permet de lutter contre ces dynamiques mortifères !