La baisse des droits de douane s’était pourtant imposée comme un pilier de la mondialisation avec la création en 1947 de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (Gatt), ancêtre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui rassemble aujourd’hui 166 membres et 98 % du commerce mondial.

« Nous avons appris dans l’après-guerre qu’un pays est plus prospère quand il baisse ses droits de douane. C’est aussi mieux si les autres pays abaissent les leurs », affirme Richard Baldwin, professeur d’économie internationale à l’IMD Business School de Lausanne et ancien membre du Conseil économique de la Maison Blanche auprès de George Bush père.

L’actuel président américain fait un bond en arrière avec des droits de douane qui s’affichent sur le sol américain à leur niveau le plus haut depuis au moins 1930. Mais les conséquences devraient rester limitées pour le commerce international au-delà des États-Unis.

« Pas d’effet systémique »

Les importateurs américains, qui devraient en principe payer la plus grosse partie des droits de douane, pourraient décider de se fournir davantage aux États-Unis, ou de répercuter cette facture sur les consommateurs américains. Mais « cela n’aura pas d’effet systémique » à l’échelle mondiale, abonde Pascal Lamy, ancien directeur général de l’OMC. Trump a gagné selon lui « une victoire en trompe-l’œil, à la Pyrrhus », car son pays en sera le premier affecté.

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Le commerce de marchandises a crû de façon régulière ces dernières années et a atteint près de 24 000 milliards de dollars en 2023, selon l’OMC. Les importations américaines, celles concernées par les nouveaux droits de douane, ne représentent que 13 % des importations mondiales.

« C’est majeur, mais ce n’est qu’un morceau des importations mondiales et le reste du monde continue à vouloir fonctionner sur un modèle d’engagement et d’interdépendance dans le commerce international », relève Elvire Fabry, spécialiste de géopolitique du commerce pour l’Institut européen Jacques Delors.

Les accords commerciaux ont le vent en poupe

Pour preuve, plusieurs projets d’accords commerciaux sont dernièrement revenus en force. En mars, le Japon, la Corée du Sud et la Chine se sont engagés à accélérer leurs négociations en vue d’un accord, et le président brésilien Lula a appelé à un partenariat entre les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) et le Japon.

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L’Union européenne a signé de son côté fin 2024 un accord de libre-échange avec le Mercosur, bien que celui-ci fasse encore l’objet de blocages. Elle a aussi relancé des négociations avec la Malaisie et en Asie centrale.

L’économie mondiale devrait enfin résister malgré l’incertitude, a indiqué mardi le Fonds monétaire international (FMI).

Le commerce des services dans l’angle mort de Trump

Les assauts de Trump se focalisent par ailleurs sur le commerce de marchandises, avance Pascal Lamy, et ignorent jusqu’ici les services, qui sont pourtant « la partie des échanges internationaux qui augmente le plus rapidement ». « On doit changer de lunettes lorsqu’on observe les échanges internationaux », poursuit-il, estimant que « Donald Trump a une vue médiévale » en la matière.

L’OMC a pour la première fois publié en avril une prévision concernant le commerce des services, qui devrait augmenter de 4,0 % en 2025, soit tout de même environ 1 point de pourcentage de moins que prévu en raison de la guerre commerciale.

Le commerce des marchandises devrait lui diminuer de 0,2 % avant d’afficher une reprise « modeste » de 2,5 % en 2026, selon l’institution internationale. Des prévisions qui ne tenaient toutefois pas compte des surtaxes attendues au 1er août.

Droits de douane américains, où en est-on ?
Au 1er août, un certain nombre de surtaxes doivent être imposées à la plupart des partenaires commerciaux des États-Unis, dont certaines, sectorielles, très lourdes, à l’image des 50 % prévus sur les produits fabriqués avec du cuivre.
Corée du Sud, l’accord de dernière minute
Donald Trump a déclaré mercredi avoir trouvé un accord commercial avec la Corée du Sud, prévoyant l’application de 15 % de droits de douane aux produits sud-coréens entrant aux États-Unis. Il a précisé que Séoul s’était engagé à investir 350 milliards de dollars aux États-Unis, avec notamment l’achat « pour 100 milliards de dollars » de gaz naturel liquéfié (GNL) « ou d’autres sources d’énergie ».
Brésil, des représailles politiques en forme de surtaxes
Le Brésil devrait essuyer dès le 6 août 50 % de surtaxe en représailles aux poursuites judiciaires engagées contre son ex-président Jair Bolsonaro, accusé d’une tentative de coup d’État après sa défaite à l’élection présidentielle de 2022. Des exceptions seront néanmoins faites pour les avions, le jus et la pulpe d’orange, les noix du Brésil, et certains produits en fer, acier ou aluminium.
Inde, pas d’accord pour le moment
Le président américain Donald Trump a annoncé mercredi sur sa plateforme Truth Social que les produits indiens feraient l’objet de 25 % de droits de douane à leur arrivée aux États-Unis à compter du 1er août, ajoutant qu’une « pénalité » serait ajoutée pour l’achat de pétrole russe. New Delhi et Washington ont lancé il y a plusieurs mois des négociations en vue d’un accord commercial, sans résultat jusqu’ici, l’Inde ne souhaitant notamment pas ouvrir totalement son marché aux produits agricoles américains.
Union européenne, des tarifs loin de contenter tout le monde
Le président français Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l’Union européenne, visée par 15 % de surtaxes, n’ait pas été assez « crainte » dans ses négociations commerciales avec les États-Unis et martelé que la France continuerait de faire montre « d’exigence et de fermeté » dans la suite des discussions. Certains produits, dont le cognac, devraient être exemptés de taxe.