Une centaine de cas graves en dix ans : le sepsis d’origine animale reste rare, mais peut être fatal chez les patients fragiles. Une étude française dresse le profil de ces infections.
Nos animaux de compagnies préférés, les chats et les chiens ne sont pas toujours sans danger pour notre santé. Des chercheurs français ont publié dans la revue Critical Care une étude évaluant les risques et les évolutions des sepsis causés par une infection par les animaux domestiques. «Les cas graves d’infection ne concernent que très peu de personnes, et il faut avoir déjà des problèmes de santé assez grave pour avoir besoin d’une hospitalisation», tient tout de même à rappeler Juliette Quintin, médecin en réanimation au CHU de Nantes, et auteur de cette étude. «Pour la plupart des personnes, si on se fait griffer ou mordre, une petite infection locale peut se déclarer, sans grand danger», continue-t-elle.
Cependant, pour les personnes très vulnérables (immunodéprimées, âgées ou atteintes de maladies chroniques), il peut y avoir un risque de sepsis. Et non besoin d’un contact agressif avec un chien ou un chat pour en développer un : une simple morsure, une griffure légère ou même un léchage sur une plaie peuvent suffire à déclencher une infection généralisée. Et cela, à cause des bactéries présentes naturellement dans la salive «ou les griffes de l’animal, s’il se lèche les pattes», indique la médecin.
Le sepsis est une réaction inflammatoire généralisée du corps face à une infection, pouvant entraîner une défaillance de plusieurs organes, voir la mort, surtout chez les personnes vulnérables (immunodéprimées, âgées ou atteintes de maladies chroniques). Cette condition médicale est donc grave, et mérite une hospitalisation. Il y a quatre bactéries principales chez les animaux de compagnie, qui causent la plupart des cas de sepsis, mais le type de bactérie ne semble pas influencer significativement la gravité ou la mortalité. Les médecins ont noté que Pasteurella était surtout liée aux morsures de chats, touchant des patients plus âgés et fragiles, tandis que Capnocytophaga était plutôt associée aux chiens, «des données déjà bien connues», souligne la médecin.
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«L’objectif de cette étude était d’analyser les cas de patients admis en réanimation à cause d’infections transmises par ces animaux, car très peu d’études existent sur ce sujet», justifie Juliette Quintin. Menée dans 46 services de réanimation en France, de 2009 à 2019, elle compte «174 adultes atteints de sepsis liés à une morsure ou une griffure.» Les médecins ont commencé par suivre les patients dans les 24 heures suivant l’admission, notamment pour déterminer quelle bactérie causait le sepsis, ainsi que quel type d’animal avait blessé le patient. Ensuite, pendant le séjour en réanimation, ils ont noté les complications ainsi que les traitements pris par les malades.
Les observations de l’équipe sont les suivantes : l’âge médian des patients était de 64 ans, soit «des patients relativement âgés», illustre Juliette Quintin. La moitié des patients ont dû recevoir des vasopresseurs (pour maintenir la tension artérielle) et 19 % une dialyse. Le taux d’amputation de cette cohorte était de 3,6 %, soit bien plus élevé que celui observé dans les cas de sepsis d’autres bactéries (moins de 1 %), montrant la sévérité particulière de ces zoonoses. «Lorsqu’il y a une infection grave, précise Juliette Quintin, il peut y avoir une nécrose des extrémités, ce qui mène à des amputations».
Une infection parfois mortelle
Au final, 24 % des patients sont décédés, «ce qui n’est pas un pourcentage énorme, lorsqu’on compare aux nombres de décès en réanimation causés par les infections, de manière générale. Nous recevons en réanimation beaucoup plus de patients avec une infection respiratoire, causée par Streptococcus pneumoniae par exemple», tient à clarifier Juliette Quintin.
L’étude pointe trois facteurs de risque majeurs de décès : un âge avancé, le tabagisme et des maladies chroniques du foie, «parfois liés à la consommation d’alcool», prévient le médecin. Ce n’est donc pas une menace de santé publique, car «sur dix ans, seuls une centaine de patients ont été concernés, ce qui en fait une situation rare», tient à rassurer Juliette Quintin. En revanche, ni le type de bactérie en cause, ni le traitement antibiotique initial, ni même le mode de transmission (morsure ou léchage) ne semblent peser autant dans le pronostic que l’état de santé général du patient. Des résultats qui rappellent que, si ces infections restent rares, la prudence est de mise pour les personnes les plus fragiles, même face à nos compagnons les plus familiers.