À Saint-Étienne, la nuit risque de devenir un peu plus fade, un peu plus noir. Depuis un arrêté municipal entré en vigueur récemment, les épiceries de nuit doivent désormais baisser leurs rideaux à 22h à Saint-Étienne. La mesure, prise par le maire Gaël Perdriau, est valable pour une durée d’un an. Officiellement, il s’agit de lutter contre les nuisances nocturnes.

Les épiciers, boucs émissaires de la nuit ?

Pour de nombreux Stéphanois, étudiants, travailleurs de nuit, couche-tard ou simples oubliés de la liste de courses, ces commerces étaient une bouée de sauvetage après 22h. Une bouteille d’eau, un paquet de pâtes, ou un dépannage en urgence : ces petites épiceries tenaient un rôle bien plus essentiel qu’on ne veut le croire.

Amine, gérant d’une supérette dans le centre-ville, ne cache pas sa frustration :

« On nous traite comme des fauteurs de trouble, alors qu’on est souvent les seuls à ramener un peu de vie dans certains quartiers le soir. »

Le calme ou le vide ?

Côté mairie, l’argument principal repose sur les troubles à l’ordre public : attroupements, nuisances sonores, voire trafics en périphérie des commerces nocturnes. Sauf que pour beaucoup, cette mesure pénalise les honnêtes commerçants, sans s’attaquer aux vraies causes des incivilités.

Laura, habitante du Crêt-de-Roc, nuance :

« Ce n’est pas la petite épicerie qui fout le bazar. Ce sont les gens qui n’ont rien à faire de leur soirée, et qui traînent. Les fermer à 22h, c’est juste déplacer le problème ailleurs. »

Au-delà de l’impact social, c’est l’économie locale qui prend un coup. Ces épiceries génèrent une activité précieuse, souvent tenue par des indépendants ou des familles immigrées, qui travaillent dur pour tirer leur épingle du jeu.

Un commerçant du quartier Jacquard soupire :

« Le soir, c’est 40 % de mon chiffre d’affaires. Là, on me coupe les ailes. »

🧃 Une ville qui s’éteint trop tôt ?

Dans une ville qui cherche à retenir ses jeunes, dynamiser son centre et soutenir son commerce de proximité, la mesure fait grincer des dents. Beaucoup y voient une politique de repli, une réponse simpliste à une problématique bien plus complexe.

Et si au lieu de fermer, on régulait ? Caméras, médiation de rue, meilleur accompagnement des commerçants… D’autres villes, comme Toulouse ou Lyon, ont misé sur des solutions mixtes. Et si Saint-Étienne s’inspirait des bonnes pratiques plutôt que d’abattre le rideau à 22h précises ? Fermer les épiceries de nuit, c’est peut-être faire taire le bruit. Mais c’est aussi faire taire une part de la vie urbaine et de sécurité la nuit. Dans une ville qui veut rester vivante, inclusive et dynamique, est-ce vraiment la bonne partition ?