Arrivé il y a quelques mois en tant que joker médical, Carwyn Tuipulotu a prolongé l’aventure dans le Béarn cet été. Le puissant numéro 8 possède pour l’heure une carrière de globe-trotteur, qui correspond bien à sa vie d’homme. Il se raconte. 

Vous êtes Gallois, fils d’un ancien joueur international tongien, vous avez vécu en Angleterre dans votre jeunesse et désormais vous jouez en France. Peut-on dire que vous êtes un globe-trotteur ?

Oui, nous pouvons le dire. J’ai beaucoup bougé, connu beaucoup de changements. C’est quelque chose dont je me suis habitué. Quand je vivais en Angleterre, j’étais dans un pensionnat pour l’école, ce qui m’a rendu très indépendant. Après avoir beaucoup été avec ma famille avant mon arrivée à Pau, je suis de retour dans l’indépendance. C’est beaucoup de changements mais ça va.

Est-ce dur de s’adapter à des cultures si différentes dans une vie ?

Quand j’étais encore un gamin, je regardais les autres enfants et j’analysais ce qu’ils faisaient et ce qu’ils disaient. J’ai adapté ma vision de ce qu’était quelque chose de « normal ». Parce que ce qui était normal pour moi, avec ma culture tongienne, ne l’était peut-être pas pour les autres. C’est trouver un juste-milieu, comme une balance, pour garder ma culture tongienne et y ajouter de la culture galloise, anglaise et même française désormais !

Qu’est-ce qui est différent en France ?

Ici, il y a beaucoup mains à serrer le matin ! On ne fait pas cela au pays de Galles par exemple. C’est très différent mais la vie est très relaxante ici en France. Il y a un train de vie sympa et je m’y habitue bien. J’ai aussi ma copine qui m’est très utile. Elle m’a suivi à Londres et maintenant ici. C’est important pour moi.

Carwyn Tuipulotu avec les U20 gallois

Carwyn Tuipulotu avec les U20 gallois
PA Images / Icon Sport – David Davies

Comment s’est passée votre intégration du côté de Pau ?

Les gens ici sont très accueillants et aimants. J’avais l’impression d’être là depuis des années alors que je venais d’arriver. Les joueurs m’ont aussi pris sous leur aile, d’autant plus que je n’avais qu’une seule semaine pour préparer mon premier match.

En Top 14, vous avez aussi pu retrouver vos cousins, Mako et Billy Vunipola !

Ils étaient même mes baby-sitters quand j’étais bébé ! Ils sont comme des grands frères pour moi et c’était incroyable d’avoir joué contre Mako cette saison. Surtout que nous sommes allés gagner sur son terrain. Ce qui est fou pour moi, c’est que jouer contre eux a toujours été un objectif depuis que je suis petit. J’espère que la saison prochaine, je pourrai me mesurer à Billy, qui est à Montpellier. Je veux aussi affronter Vaea Fifita, qui est mon meilleur ami et qui joue à Montauban. J’ai beaucoup de famille dans le monde du rugby et j’en suis très fier. Il y a aussi mon petit frère Kepu, qui est talonneur à Bath, et mon cousin Taulupe Faletau, le numéro 8 du pays de Galles.

Lors de vos six premiers mois, vous avez fait honneur à votre statut de globe-trotteur en proposant des vidéos sur votre quotidien de rugbyman professionnel en France. Comment cette idée vous est venue ?

Je trouve intéressant le fait que les gens voient les dessous de notre métier. Ils ne peuvent voir que les 80 minutes des matchs et pas ce qu’il se passe dans notre préparation du lundi au vendredi. Je dois avouer que c’est ma copine qui fait le montage ! Elle est très forte pour faire des vlogs… si vous regardez sa chaîne, ses vidéos sont similaires aux miennes et c’est normal. C’est comme si elle faisait les miennes aussi ! J’ai toujours besoin de lui demander de l’aide. Elle m’a beaucoup inspiré sur ce plan-là parce qu’avant, je n’osais pas poster des vidéos. J’avais peur de ce qu’allaient penser les gens ou même mes coéquipiers. Mais j’aime faire cela et j’espère continuer à le faire pendant la saison à venir.

Vos vidéos vous permettent-elles de vous intégrer auprès des supporters ?

Oui car j’aime interagir avec eux et avoir une bonne relation avec ceux qui me suivent. Je prends le temps de répondre au plus de commentaires que je peux sous mes vidéos. Je ne veux pas qu’ils me voient comme quelqu’un d’arrogant ou qui a trop confiance en lui. Je suis juste un mec normal.

Dans une de vos vidéos, vous insistez sur la proximité avec vos parents et votre envie de les rendre fiers. Est-ce votre principale motivation ?

L’objectif numéro un est bien sûr de rendre ma famille fière, particulièrement mon père. Pour la petite histoire, il a joué contre la Section pendant sa carrière ! C’était un grand moment de fierté pour eux de venir me voir jouer au Hameau, notamment pour mon père était très nostalgique. Revenir ici après tant d’années pour voir son fils jouer, c’était très spécial.

Avez-vous toujours de la famille aux Tonga ?

Oui, j’ai mes tantes et mes oncles, quelques cousins ! Mais je n’ai pas été aux Tonga depuis un moment… 2008 je crois ! J’espère y revenir bientôt parce que ça me manque. C’est comme un paradis, c’est si beau. En attendant, j’ai passé mes vacances au pays de galles cet été.

Votre carrière de rugbyman a-t-elle été aussi mouvementée que votre vie d’homme ?

Complètement. À la période de Noël l’an dernier, je ne jouais pas beaucoup avec les Scarlets. Ils ont décidé de me prêter dans un club qui s’appelle Carmarthen, qui évolue en Super Rygbi Cymru, une division inférieure à l’URC dans laquelle s’affrontent des équipes galloises. Je n’étais pas très heureux et dans le dur mentalement. Un jour, les Saracens ont appelé pour avoir un joueur supplémentaire en cas de blessure. Je suis allé là-bas avant que la Section paloise ne vienne me chercher en tant que joker médical. J’ai donc vécu des hauts et des bas mais désormais, je suis clairement sur un haut. J’espère qu’il n’y aura plus de montagnes russes !

Pourquoi vouloir continuer avec la Section cette saison encore ?

C’est le meilleur endroit pour moi parce qu’il y aura cette saison Facundo Isa et Beka Gorgadze. Ils sont parmi les meilleurs numéro 8 du Top 14 et, en tant que jeune joueur, je veux apprendre un maximum auprès d’eux. Je ressens aussi que les entraîneurs me laissent libre de jouer mon jeu et cela va me permettre de me développer. Je veux aussi continuer de progresser aux côtés d’internationaux comme Émilien Gailleton, Théo Attissogbe ou Hugo Auradou. Enfin, je me souviens qu’à mes débuts ici, la charnière était composée de Dan Robson et Joe Simmonds, deux joueurs qui parlent anglais. Cela rend les choses plus faciles pour moi sur le terrain.