Le peloton du Tour de France féminin, lors de la sixième étape entre Clermont-Ferrand et Ambert, le 31 juillet 2025.

JULIEN DE ROSA / AFP

Le peloton du Tour de France féminin, lors de la sixième étape entre Clermont-Ferrand et Ambert, le 31 juillet 2025.

SPORT – « Ne pas avoir ses règles, ce n’est pas normal. » Invitée mercredi 30 juillet au micro de France TV Sport à l’issue de la cinquième étape du Tour de France féminin, la Brestoise Cédrine Kerbaol a un message à faire passer.

Alors qu’elle venait de terminer 13e de cette étape disputée entre Chasseneuil-du-Poitou, qui accueille le Futuroscope, et Guéret dans la Creuse, la cycliste a choisi d’alerter sur ce qu’elle considère comme un danger : la maigreur extrême parmi les athlètes du peloton, « que ce soit chez les hommes comme chez les femmes ».

« Le but, c’est de réaliser de la prévention et d’alerter, et de dire aux femmes que ne pas avoir ses règles, ce n’est pas normal, et qu’au-delà de la fertilité, il y a aussi un impact sur les os et un risque de blessure extrême », a expliqué Cédrine Kerbaol, dixième au classement général avant l’étape de ce jeudi 31 juillet.

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Lire la Vidéo « On est dans un moment dangereux »

Diplômée d’un BTS en diététique, la sportive de 24 ans a récemment créé avec d’autres coéquipières du Tour de France femmes le compte Instagram F.E.E.D (Fueling for Endurance, Energy and Durability). Aidées par des professionnels de santé, elles souhaitent sensibiliser sur les dangers de la maigreur extrême dans le cyclisme professionnel et, plus globalement, sur les troubles du comportement alimentaire.

« Avant d’être des athlètes, on est aussi des femmes et notre santé compte pour maintenant, mais elle compte pour le futur aussi. Si on veut fonder une famille, avoir des enfants, avoir un corps et des os solides, il faut se préoccuper de notre santé dès maintenant », a ajouté Cédrine Kerbaol auprès de France Télévisions.

Plus tôt dans la journée, la coureuse avait aussi alerté dans un entretien accordé à L’Humanité, en insistant sur le rôle de modèle que peuvent jouer les sportifs et sportives. « Ce qui se passe là n’est pas terrible. On est dans un moment dangereux. Il y a beaucoup de personnes qui ont gagné de grandes courses avec un poids très léger et, indirectement, les jeunes filles qui essaient de performer vont les prendre pour exemple. »

« J’aime profiter de la vie et bien manger »

Cédrine Kerbaol a aussi mis en garde contre la tendance à vouloir « progresser plus vite, plus fort, avoir plus de watts, être plus légère… » « Sauf que c’est un process tout ça. Ces dernières années, c’est très à la mode de compter chaque gramme dans les assiettes. Il ne faut pas qu’on tombe dans une forme de déshumanisation et d’infantilisation », a-t-elle prévenu.

Elle refuse de céder à cette tendance. « Je n’ai jamais rien pesé parce qu’avant d’être coureuse cycliste, j’aime profiter de la vie, j’aime bien manger et avoir une vie normale. Je suis à l’écoute de mes sensations », a-t-elle assuré, avant d’ajouter qu’elle ne pensait pas que « suivre des calculs aide à bien grimper ». « L’idéal est d’avoir un bon équilibre, d’avoir une connaissance globale de la nutrition et de son corps, et de se sentir bien dans sa tête. »

Un message « formidable » selon les médecins

Interrogé par l’AFP, le médecin de l’équipe Cofidis Mathieu Muller considère que le message de la meilleure jeune (maillot blanc) du Tour 2023, est « formidable ». « Que ce soit une coureuse qui lance l’alerte, cela a bien plus d’impact que si cela venait d’un médecin », a-t-il appuyé.

« Une masse grasse trop faible entraîne ce que l’on appelle la triade de la sportive, c’est-à-dire le déficit d’apport énergétique qui conduit à l’absence de règles et ensuite à de l’ostéoporose », explique-t-il. Un problème que n’ont pas les hommes. Il ne faudra pas s’étonner si, un jour, une coureuse se fracture les cervicales et se retrouve paraplégique, s’alarme une autre source médicale. « La conséquence, ce sont des problèmes osseux, digestifs, cutanés et psychiatriques, comme de la dépression », note en effet le docteur Muller.

Pour les médecins interrogés ce jeudi par l’AFP, les coureuses peuvent être affûtées pendant quelques semaines, mais au-delà d’une certaine durée cela devient « très problématique » d’un point de vue médical. Il faudrait donc, selon eux, que les coureuses se fixent deux ou trois objectifs par saison et le reste de l’année reprendre absolument quelques kilos « si on mise sur le long terme ».

Entre sa victoire lors de Paris-Roubaix et le départ du Tour, la Française Pauline Ferrand-Prévot a indiqué avoir perdu quatre kilos. « Mais, plus ce n’est absolument pas envisageable », a dit la championne olympique de VTT à la veille du départ.

Le médecin d’une autre équipe interrogé par l’AFP plaide lui pour imposer une masse grasse minimum, tout en interpellant l’Union cycliste internationale (UCI) pour mettre en place un protocole.