Par
Bastien Grossin
Publié le
1 août 2025 à 12h59
L’affaire semblait banale, presque jouée d’avance. D.N, 28 ans, est accusé d’avoir insulté et agressé des policiers rue Jean-Jaurès à Lille le 25 juillet 2025 à 17h. Il aurait tenté de récupérer sa trottinette saisie par les agents et destinée aux objets trouvés. Pourtant, l’audience prend progressivement un tournant inattendu. À la barre, le prévenu raconte une toute autre histoire : il ne serait pas l’agresseur, mais la victime. Selon ses mots, il aurait été frappé, gratuitement, à plusieurs reprises par les forces de l’ordre avant d’être embarqué au commissariat. Rapidement, des éléments troublants ressortent pendant le procès et viennent étayer cette accusation. Détails.
« Violent dès le départ » : ce que dit le rapport des policiers
À la barre, aucun policier n’est présent, seuls leurs avocats les représentent pour assurer leur défense. La présidente s’en tient au rapport rédigé par les agents pour relater les faits : le 25 juillet 2025, aux alentours de 17 heures, deux policiers repèrent une trottinette abandonnée sur le trottoir de la rue Jean-Jaurès, à Lille. L’un d’eux la saisit et attend ses collègues pour rentrer au commissariat. C’est alors que le prévenu, décrit comme « de type africain » dans le rapport, les aborde avec virulence en les insultant pour récupérer sa trottinette. Les agents décident alors de l’interpeller. Selon le rapport, une fois plaqué contre un mur, l’homme se serait débattu avec force, tentant de frapper les policiers. Emmené au commissariat, il aurait continué à se montrer violent, allant jusqu’à porter plusieurs coups, dont un coup de tête.
La version radicalement différente du prévenu
Lorsque la présidente du tribunal demande au prévenu de raconter le déroulé des faits, l’histoire est radicalement opposée à celle décrite précédemment : après avoir laissé sa trottinette pour discuter avec une connaissance à quelques pas de là, il revient et aperçoit un homme installé dessus. Intrigué, il commence à filmer la scène tout en s’approchant. Il réalise alors que l’individu est en réalité un policier. À peine a-t-il le temps de le comprendre qu’une voiture arrive derrière lui et que plusieurs agents en sortent pour contrôler son identité. D.N raconte avoir coopéré directement et avoir reçu aussitôt un coup dans le ventre et une série d’insultes.
Lors de l’audience au tribunal de Lille, ce mercredi 30 août à la barre, une mère de famille présente au moment des faits confirme la version du prévenu. Elle affirme avoir entendu l’un des policiers lancer : « Qu’est-ce que tu vas faire avec ton téléphone ? », juste avant que de nouveaux coups ne soient portés sur l’individu. Elle complète le récit : « Il [D.N] n’arrêtait pas de crier, il nous demandait de filmer ». Une fois l’homme installé à l’arrière du véhicule de police, elle dit avoir perçu d’autres bruits de coups, accompagnés d’insultes émanant des agents.
Au final, un policier s’en sort avec une plaie à l’arcade. Le prévenu, lui, présente plusieurs contusions et blessures sur le corps, un de ses yeux est sérieusement atteint. Un médecin légiste lui prescrit dix jours d’ITT avant son transfert aux urgences ophtalmologiques.
« C’est un peu troublant », confie le procureur
Face à ces déclarations, le procureur de la République commence lui-même à douter de la version officielle. « C’est un peu troublant », affirme-t-il. Plus l’audience avance, plus des incohérences et des zones d’ombre se dessinent autour du récit des forces de l’ordre. Le procureur souligne par exemple, à propos des rapports des policiers : « Ils sont presque identiques. Ils changent de paragraphes au même endroit, c’est presque du mot pour mot ». La situation est rare, mais le parquet demande finalement la relaxe du prévenu.
L’avocat des policiers ne cache pas son désarroi face à cette décision. À ses yeux, une telle explosion de violence, sans raison apparente, paraît peu crédible de la part de fonctionnaires conscients qu’ils devront ensuite rendre des comptes à leur hiérarchie. En face, l’avocat du prévenu réagit vivement : « S’il n’y a pas de témoins ou de vidéos, vous ne les croyez jamais. » Il passe ensuite en revue les zones d’ombre du dossier : pourquoi aller « chercher deux collègues » alors qu’ils étaient déjà cinq dans la voiture ? Et surtout, comment se fait-il qu’aucune vidéo n’ait pu être récupérée concernant les faits survenus au commissariat ? « Je ne vous dis pas ce qu’il s’est passé, je vous dis simplement que ce qui est écrit n’est pas possible », déclare l’avocat de la défense.
Finalement, face aux deux récits radicalement opposés, le prévenu est relaxé par le tribunal au nom du bénéfice du doute. Lors de l’audience, la possibilité d’un dépôt de plainte de la part de D.N a également été évoquée.
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