Il est revenu, visage marqué, regard embué, et genou
encore fragile. Jorge Martin, longtemps absent des circuits MotoGP,
a fait son grand retour lors du Grand Prix de République tchèque,
au guidon d’une Aprilia RS-GP25 métamorphosée. Mais comme le montre
Paolo Simoncelli, derrière l’émotion de la reprise, l’atmosphère
était lourde, presque étouffante. Car cette réapparition en piste a
été précédée d’un feuilleton contractuel qui a secoué le paddock —
et égratigné l’image du pilote espagnol.
Quelques semaines plus tôt, Martin claquait la
porte : après le Grand Prix de France, mécontent
de la compétitivité de l’Aprilia et de la
direction du projet, il activait une clause de sortie de contrat.
L’objectif ? Rejoindre Honda, qui, contre toute
attente, voyait dans le pilote blessé une pièce maîtresse de sa
reconstruction.
Mais Aprilia n’a pas cédé. Argument juridique à
l’appui, le constructeur italien a considéré cette clause comme «
invalide » : Jorge Martin, blessé et absent la
moitié de la saison, n’aurait pas rempli les conditions sportives
nécessaires à son activation. Entre menaces de procès et pressions
politiques dans les coulisses, l’affaire a viré à la bataille
rangée.
Face à l’impasse, Jorge Martin a dû reculer. En
silence, presque contraint, il a réintégré l’équipe d’un pas
hésitant, acceptant de courir pour Aprilia
jusqu’en 2026. Mais ce retour n’a pas fait l’unanimité.
Lors de la conférence de presse de Brno, Jorge
Martin est apparu ému, à la limite des larmes. Il s’est
défendu, niant toute motivation financière : « je ne
cours pas pour l’argent, sinon je n’aurais pas fait tout
ça. » Mais certains, dans le paddock, ne lui ont pas
pardonné. Paolo Simoncelli, figure respectée du
MotoGP et père du regretté Marco Simoncelli, n’a
pas mâché ses mots.
Paolo Simoncelli :
« quand on est un homme, on tient ses engagements, dans la
victoire comme dans l’échec »
« Je l’ai éteint. J’ai arrêté de l’écouter », a-t-il
déclaré sans détour sur Corriere Romagna. « Quand on
agit comme ça, on perd mon respect. »
Et d’ajouter, en forme de leçon de morale : « pourquoi aller
chez Honda ? Pour l’argent ? Pour l’image ? Les managers
peuvent raconter ce qu’ils veulent. Mais quand on est un
homme, on tient ses engagements, dans la victoire comme dans
l’échec. »
Dans l’ombre laissée par l’absence de
Jorge Martin, un autre a brillé :
Marco Bezzecchi. Le jeune Italien a saisi sa
chance avec une détermination féroce. Une victoire, trois podiums,
et une maturité nouvelle qui impressionne jusqu’à Simoncelli
lui-même :
« L’accident de Martin a été un tremplin pour lui. Il a
bossé dur, il est tombé, il s’est relevé, et il n’a jamais
renoncé. »
En son absence, l’Aprilia a évolué à une
vitesse fulgurante, devenant la deuxième force du plateau. Quand
Jorge Martin retrouvera enfin sa pleine forme, il
devra affronter un Bezzecchi transformé… et une
équipe qui, entre les lignes, semble avoir changé de cœur.
Jorge Martin s’alignera bien avec
Aprilia jusqu’en 2026. Mais il ne s’agit plus
seulement d’un retour physique. C’est un retour en quête de pardon,
de rachat. À ses détracteurs, il veut prouver qu’il n’est pas un
mercenaire. À ses fans, qu’il est toujours ce pilote fougueux et
sincère. Et à Bezzecchi… qu’il faudra encore
compter sur lui.
Mais en MotoGP, comme
dans la vie, les secondes chances ne sont jamais gratuites.