Après avoir levé en mars dernier le «frein à l’endettement», le gouvernement allemand dirigé par le chancelier Friedrich Merz enclenche une réorientation majeure de sa politique de défense. Il ambitionne en effet de doter la Bundeswehr, l’armée allemande, d’un budget de quelque 108,2 milliards d’euros en 2026, en combinant une enveloppe de 82,7 milliards d’euros de crédits classiques avec 25,5 milliards issus du fonds spécial de la Bundeswehr. Cette somme ferait de l’Allemagne le pays européen investissant le plus massivement dans ses capacités militaires conventionnelles, reléguant la France à la seconde place… mais loin derrière. Car le budget du ministère français des Armées s’élèvera pour sa part à 57,2 milliards d’euros en 2026, malgré une hausse significative annoncée à la veille du 14 juillet par Emmanuel Macron dans son discours aux armées.

Berlin entend faire passer ses dépenses de défense à 3,5 % de son PIB d’ici à 2029, au-delà des 2 % requis par l’Otan. Cette trajectoire budgétaire s’accompagne de programmes colossaux. Selon Bloomberg, la Bundeswehr prévoit de commander jusqu’à 3 500 blindés ARTEC Boxer, 5 000 véhicules Patria 6×6 dans le cadre du programme CAVS, et 20 nouveaux chasseurs Eurofighter EF2000. Des informations que Reuters a partiellement recoupées, évoquant de son côté 3 000 Boxer et 3 500 Patria. Des chiffres quelque peu différents, donc, mais qui restent tout de même impressionnants. Berlin a également confirmé son intérêt pour les lanceurs Typhon américains. Ces achats s’inscrivent dans un plan global de transformation, qui inclut notamment le remplacement progressif des véhicules Fuchs.

La première armée conventionnelle d’Europe

Le gouvernement allemand assume pleinement cette montée en puissance. «Outre les investissements nécessaires pour les équipements et les infrastructures, ce projet de budget crée les conditions essentielles à la poursuite du développement de la Bundeswehr», a précisé l’exécutif, qui annonce la création de 10 000 postes militaires, 2 000 civils, et 20 000 «temporaires» dans le cadre d’un nouveau service militaire. Une réforme que le ministre de la Défense, Boris Pistorius, défend avec vigueur : «Ce n’est qu’avec un maximum d’hommes et de femmes engagés que nous pourrons transformer les technologies de pointe en puissance militaire. Nous renforcerons donc les troupes actives en créant de nombreux postes et nous mettrons en place le nouveau service militaire, ce qui vitalisera la réserve.» A terme, ce déploiement de moyens va faire de la Bundeswehr l’outil militaire conventionnel le plus puissant du Vieux Continent.