La capture d’un saumon rose à Natashquan en juillet fait craindre l’arrivée de cette espèce envahissante venue de Russie qui pourrait être catastrophique pour le saumon atlantique et les truites indigènes du Québec.
«C’était le sixième individu identifié depuis 2019. Le saumon rose se rapproche et ça nous inquiète», commente la biologiste Anick Drouin, experte de la faune aquatique au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.
C’est le 21 juillet que le ministère a lancé une alerte après avoir identifié un saumon rose (Oncorhynchus gorbuscha) à la suite d’une capture accidentelle à Natashquan. Il s’agissait du deuxième cas en quatre ans sur la Basse-Côte-Nord. Les autres individus avaient été identifiés par des Inuits beaucoup plus au nord, dans la baie d’Ungava, en 2019 et 2021.
Saumon rose capturé par des pêcheurs à la mouche aux États-Unis.
Photo Wikipedia Jack Roberts, U.S. Fish and Wildlife Service
Conquête de l’Europe
Originaire de Colombie-Britannique, où elle est bien adaptée à son écosystème, l’espèce est devenue envahissante après avoir été introduite en Russie dans les années 1950. «Les éleveurs ont sélectionné les individus les plus robustes et à la croissance la plus rapide, au point de créer une population extrêmement envahissante», reprend Mme Drouin.
Annick Drouin est biologiste à la Direction des habitats aquatiques et de la prévention des risques au ministère de l’Environnement.
Photo MELCCFP
Échappé de bassins d’aquaculture au nord-ouest de la Russie, notamment dans la péninsule de Kola, le saumon a colonisé l’Europe via la mer du Nord. Toute la Scandinavie a été conquise, puis les cours d’eau du Royaume-Uni et de la France ont suivi. Il a poursuivi son tour du monde en passant par le Groenland.
Sa faculté de reproduction est telle qu’en seulement deux ans, la population en Norvège est passée de 13 900 saumons en 2019 à 1 million en 2023. L’an dernier, ce pays a procédé à un abatage massif pour réduire les risques sur les espèces locales.
«En Norvège, ils ont éliminé 250 000 saumons adultes en espérant limiter sa progression», résume Mme Drouin.
Catastrophe écologique
Pour comprendre les effets de son introduction dans l’Atlantique Nord et dans le bassin du Saint-Laurent, il faut savoir que cette espèce atteint sa maturité en seulement deux ans. Comme pour le saumon atlantique, les adultes vont pondre en rivière et les larves dérivent vers la mer. Les saumoneaux s’alimentent sans arrêt pour atteindre la taille de 50cm et un poids de 2kg en 18 mois (contre quatre à six ans pour le saumon atlantique). La compétition avec les salmonidés indigènes pour la nourriture et les sites de reproduction se joue déjà à armes inégales, mais c’est après la fraie que le plus gros problème apparaît.
Le public est invité à rapporter à Québec toute observation de cette espèce recherchée.
Photo MELCCFP
«Les adultes meurent par milliers après la reproduction, ce qui provoque de grandes quantités de matière organique en décomposition», résume Mme Drouin.
Le message qu’elle souhaite livrer à la population est le suivant: rapportez les prises au ministère afin de permettre aux agents de la faune de bien mesurer la progression de l’espèce. «Si vous êtes pêcheur et que vous en capturez un, photographiez-le et communiquez avec nous», plaide-t-elle.
Même des photos datant de plusieurs années pourraient être utiles.
Le saumon rose des Grands Lacs n’inquiète pas
Une population de saumon rose prélevée en Colombie-Britannique a été introduite dans les Grands Lacs dans les années 1950. On la trouve encore de nos jours dans les lacs Supérieur, Huron, Ontario et Érié, mais elle ne représente pas de risques d’envahissement. C’est la sous-population russe qui inquiète, en raison des caractéristiques obtenues par les aquaculteurs.
Années impaires
Son cycle de deux ans fait en sorte que les observations québécoises ont été faites dans les années impaires à partir de 2019. On s’attend donc à de nouvelles observations en 2025.
Bon pour la pêche?
Le saumon rose offre un bon défi pour le pêcheur et sa chair est parfaitement comestible jusqu’à la reproduction.
Vous croyez avoir capturé un saumon rose?
Prenez-le en photo et, si possible, congelez le spécimen entier et communiquez sans tarder avec le ministère.
Courriel: services.clientele@environnement.gouv.qc.ca
Téléphone: 1 877 346-6763
Application iPêche pour identifier votre prise: https://www.quebec.ca/tourisme-et-loisirs/activites-sportives-et-de-plein-air/peche-sportive/identifier-poisson-ipeche
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