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La grogne monte au port de Montauban, où les plaisanciers dénoncent une gestion jugée brutale par le nouveau délégataire privé. Frais en hausse, dialogue rompu : l’avenir du Port Canal est-il en train de chavirer ?
Havre de paix, écrin de verdure ou encore bulle d’oxygène en plein cœur de la ville, les dénominations élogieuses pour caractériser le port de Montauban ne manquent pas. Depuis toujours, plusieurs bateaux y sont amarrés. Certains sont habités de manière régulière, et plusieurs plaisanciers y vivent même toute l’année. Mais derrière cette image idyllique se cache une réalité plus complexe. Et depuis plusieurs mois, chez les habitants des péniches, la grogne monte…
En effet, depuis le 1er janvier, Voies navigables de France (VNF), qui est l’opérateur national en charge du site, a changé de gestionnaire. Une décision liée à une évolution des « contraintes juridiques », avance Elvyre Lassalle, responsable du service développement pour VNF Sud-Ouest. Suite à un appel d’offres, la gestion des lieux a été confiée à Sodeports, un gestionnaire privé, en remplacement du Grand Montauban. Et ce n’est qu’à partir du 1er mars que les nouveaux gérants, Anne et Bruno Duvinage, ont vraiment pris les choses en main.
En attendant, ce sont les plaisanciers qui avaient pris en charge la gestion du port. « Nous nous sommes occupés de l’accueil des bateaux de passage afin de leur expliquer où stationner, comment se raccorder », se souvient Jean-François Guéritte, un habitant d’une péniche et président de l’association Port canal Montauban. « Nous avons assuré le nettoyage des sanitaires, pris contact avec la commune pour qu’ils viennent plus souvent vider les poubelles », détaille-t-il. Une forme d’autogestion, assurée avec le soutien d’une salariée de VNF chargée de la transition en attendant l’arrivée du nouveau gestionnaire.
Manque de communication et de services
Une arrivée qui a laissé les plaisanciers dubitatifs. « Nous n’avons pas eu d’échange avec Sodeports. Nous avons reçu une seule et unique communication qui n’était qu’une communication administrative afin de leur fournir les documents administratifs des bateaux, s’étonne le président de l’association. Nous voulions les inviter à un pot de bienvenue, mais ils ont décliné, regrette-t-il. Une capitainerie, pour les gens de l’eau, c’est vraiment un lieu de vie. » Aussi, ce refus a été mal perçu par de nombreux usagers du port, très attachés au site.
Au fil des mois, la communication avec la société et les échanges qui ont eu lieu se sont peu à peu tendus. Les uns faisaient remarquer plusieurs dysfonctionnements et manquements : des poubelles pas vidées assez régulièrement, des horaires de capitainerie restreints, une propreté des sanitaires discutable, etc.
Autre point de tension, la mise en place de compteurs d’électricité individuels alors qu’auparavant, l’énergie était incluse dans les frais d’amarrage. « Une installation faite par surprise, dénonce le représentant des plaisanciers. Des personnes sont arrivées sur les pontons et ont fait les modifications sans que l’on en soit prévenu ». Et d’ajouter : « Avant, la facturation était forfaitaire. On payait pour l’emplacement, et l’électricité et l’eau étaient incluses. Toute chose consommée doit être facturée. Au port, personne n’est contre ça, rappelle-t-il, mais c’est la manière de faire qui nous a beaucoup heurtés. » Le montant du kWh est aussi source de mécontentement, celui-ci s’établissant désormais à 41 centimes, alors que le tarif réglementé fixé par EDF, tourne, lui, plutôt autour de 20 centimes/kWh.
Plusieurs plaisanciers ont quitté le port où s’apprêtent à le faire
Pour Andrée et Raymond Lopé, la méthode et le mode de fonctionnement du gestionnaire ne passent pas. « On se demande si le côté humain a de l’importance pour eux », s’interroge le couple. « Je connais beaucoup de ports de mer, souligne Sébastien Couly, un autre habitant, il n’y a qu’ici où il n’y a pas de relation humaine », s’étonne-t-il. Un quatrième met en avant la dégradation des services et de l’ambiance pour une hausse des coûts importante et « brutale ». « Les compteurs ne sont pas sécurisés, et n’importe qui peut se brancher dessus », imaginent encore certains navigants. Ces tensions ont conduit au moins deux d’entre eux à prendre une décision radicale : mettre leurs bateaux en vente et revenir sur la terre ferme.
Côté professionnel, la Compagnie fluviale note elle aussi un impact non négligeable sur sa société, qui estime une augmentation de 140 % de ses coûts fixes par rapport à l’an passé. « C’est de nature à me faire envisager l’arrêt de mon activité », résume Nicolas Périé, le chef d’entreprise.
Pour autant, tous ne sont pas prêts à quitter le port, et Jean-François Guéritte, le porte-parole des plaisanciers, veut croire à une normalisation des échanges. « On espère que la relation avec Sodeports s’apaisera. On aimerait co-construire avec eux, et créer un vrai lien », résume-t-il, en guise de main tendue.
VNF et Sodeports promettent deux réunions par an pour apaiser les tensions
La situation à Port Canal donnera lieu à une prochaine rencontre entre les gestionnaires et opérateur des lieux d’une part, et les plaisanciers d’autre part.
Photo DDM, E.L.
Suite aux échanges de mails et aux discussions précédentes, une première réunion a été organisée entre VNF, Sodeports, le Grand Montauban et les plaisanciers, le 22 juillet. Chacun a pu s’exprimer, des explications ont été données, des solutions proposées. « Des incivilités ont été constatées dans les sanitaires, les barillets vont être changés et de nouvelles clés seront distribuées aux plaisanciers », cite, entre autres exemples Elvyre Lassalle, responsable du service développement pour VNF Sud-Ouest.
Sur le point des compteurs d’électricité, Anne Duvinage, la cogérante, avec son époux Bruno, de Sodeports, précise que « des étiquetages sur la prise et sur le compteur du plaisancier permettent aux agents de pouvoir contrôler que c’est bien la bonne personne qui est branchée au bon endroit ». Avant de rappeler : « Le règlement impose que, si personne n’est à bord, les bateaux doivent être débranchés. C’est une question de sécurité afin d’éviter les feux électriques. Il n’est pas possible de fermer un compteur car, en cas d’incendie, il faut pouvoir débrancher rapidement les prises », insiste la gestionnaire.
À la rentrée, une nouvelle réunion sera organisée entre toutes les parties. « Nous organiserons deux réunions annuelles, promet la représentante des Voies navigables de France, pour discuter des points qui resteraient à traiter. Mais Sodeports, comme VNF, et le Grand Montauban, qui s’associe à notre démarche, restent à l’écoute. Laissons la saison se passer et voyons en septembre », conclut Elvyre Lassalle.