Depuis le 25 juillet, de nombreuses plateformes en ligne ont l’obligation de vérifier l’âge de leurs utilisateurs au Royaume-Uni. L’objectif est noble : empêcher les mineurs de tomber sur des contenus pornographiques ou violents. Mais l’application de l’Online Safety Act, laissée aux bons soins des services, provoque bien des remous.
Depuis la semaine dernière outre Manche, les plateformes en ligne doivent vérifier si leurs utilisateurs ont bien l’âge requis pour consulter de la pornographie, des contenus incitant à l’automutilation et autres contenus nuisibles. Les sites pour adultes, premiers visés par l’Online Safety Act, se sont exécutés. Mais la loi touche aussi les réseaux sociaux et des services a priori sans rapport comme Xbox ou Spotify.
Quand la protection des mineurs menace l’information
Et cela n’est pas sans poser de sérieux problèmes en termes de débat public, voire de liberté d’expression. Une enquête de la BBC montre en effet que des sites comme X (anciennement Twitter) et Reddit restreignent massivement l’accès à des contenus qui sont pourtant d’intérêt public.
Des vidéos de la guerre en Ukraine et du conflit à Gaza (ne présentant aucune imagerie graphique), un extrait de discours d’une députée sur des gangs de violeurs, et même l’image du tableau Saturne dévorant son fils de Goya sont ainsi devenus inaccessibles aux utilisateurs non vérifiés.
Ces contenus sont filtrés par des messages du type : « En raison des lois locales, nous restreignons temporairement l’accès jusqu’à ce que votre âge soit estimé ». Sur Reddit, des communautés entières sont devenues inaccessibles sans connexion, notamment celles liées à l’Ukraine ou à la santé.
Des experts pointent le fait que ces blocages risquent d’étouffer le débat public et qu’ils font preuve d’un zèle disproportionné des entreprises face à la loi. Il faut dire que les sanctions sont significatives : elles peuvent aller jusqu’à 18 millions de livres sterling (plus de 20 millions d’euros) ou 10 % du chiffre d’affaires mondial.
Il revient en effet aux entreprises de mettre en œuvre les mesures adaptées pour respecter la loi. Or, les moyens humains manquent pour appliquer le texte : les équipes de modération ont été fortement réduites chez X comme chez Meta. Les erreurs de filtrage sont donc inévitables.
Il y a donc des ajustements à faire et des éclaircissements à donner. Car le flou demeure, ce qui pourrait pousser Wikipedia à mettre en place une limite d’accès à ses pages au Royaume-Uni en instaurant un quota mensuel ! La fonction Wikimedia, qui gère l’encyclopédie en ligne, ne veut pas entendre parler d’une vérification de l’identité de ses contributeurs anonymes ainsi qu’à ses visiteurs, ce qui mettrait en danger leur vie privée ainsi que la neutralité de l’encyclopédie.
La fondation estime ainsi que les exigences de la loi exposent Wikipedia à la manipulation et au vandalisme, tout en détournant des ressources qui seraient mieux employées à l’amélioration du site. Pour éviter de devoir vérifier l’âge des internautes, le site doit rester sous un seuil défini de visiteurs, d’où cette idée farfelue de quota.
L’expérimentation britannique et ses conséquences sont certainement surveillés de près par d’autres pays qui, à l’instar de la France, veulent mettre aussi en place des systèmes de vérification de l’âge. Les abus et les excès de l’Online Safety Act constitueront-ils une alerte pour les autres gouvernements ? Ce texte, qui se voulait un rempart contre les contenus nuisibles, illustre surtout la difficulté de concilier protection des mineurs, respect de la vie privée et expression libre du débat public.
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