Par

Antoine Blanchet

Publié le

2 août 2025 à 9h04

Ce 4 mars 1916, les explosions ne sont pas rares sur le territoire français. La bataille de Verdun fait rage et chaque jour des milliers de soldats périssent soufflés par les obus et déchiquetés par les shrapnels. Pourtant, ce jour-là, une de ces nombreuses détonations va avoir un important retentissement. Loin du front, elle s’est produite au cœur de la région parisienne. À Saint-Denis. Sur les civières, des soldats, mais aussi des femmes et des enfants. Retour sur ce drame qui fit 27 victimes

Le nord de la ville dévasté

Il est 9h30 lorsque des petites détonations, puis terrible déflagration se produisent au nord de Saint-Denis. Le lieu de provenance de l’explosion : une courtine du fort des Deux-Couronnes. Construit en 1840 en même temps que l’enceinte de Thiers pour protéger Paris, le lieu stockait un nombre important de munitions. Ce dernier se trouve tout au nord de la commune de Seine-Saint-Denis, près du chemin menant à Pierrefitte

La détonation ravage une partie du fort, mais pas que. « Des pierres de toutes dimensions, des pavés, des éclats de grenades et d’obus furent projetés sur les maisons environnantes », rapporte Le Journal dans son édition du 5 mars 2016. Les bâtiments sont éventrés, les arbres déracinés, les vitres brisées. « Deux voitures de tramway électrique faisant le service ont eu leurs vitres réduites en poussières », relate Le Petit Parisien. Jusqu’à 500 mètres autour du fort, les secousses ont été importantes. D’Argenteuil à l’hôpital des Quinze-Vingts (Paris 12), l’explosion est ressentie. 

Un peu partout, des cadavres. Ici une vendeuse de journaux tuée dans l’effondrement de son kiosque. Là un mécanicien retrouvé sur le siège d’une automobile réduite en miettes. Les cercueils des civils et militaires sont regroupés dans une salle de la caserne des zouaves.  Sous l’autorité d’un officier d’artillerie, les soldats déblaient les nombreux gravats à la recherche de corps. Non-loin, la police met en place des barrages pour contenir les habitants à la recherche de proches disparus. Le président de la République de l’époque Raymond Poincaré se rend aussi sur place. 

La chute d’une caisse de grenade ? 

Très vite, une enquête est diligentée. En ces temps de guerre totale, on craint une manœuvre de l’ennemi allemand. Pas de conspiration des poudres cependant. L’origine du drame serait accidentelle. Des soldats qui transportaient une caisse de grenades l’auraient faite tomber au sol. La suite est une succession d’explosions  

Le 8 mars, les funérailles des victimes sont célébrées en grande pompe dans la commune dinoysienne. La foule est nombreuse et les couronnes de fleurs envoyées par les institutions s’amoncellent sur les convois funéraires. « Plusieurs usines locales, sur l’invitation de la municipalité, ont chômé partiellement pour permettre à leur personnel de grossir les rangs », raconte Le Petit Parisien. 

Une avancée dans l’indemnisation des victimes 

Après le temps de la douleur du deuil vient celui de l’attente des indemnisations. Plusieurs entreprises victimes demandent des dédommagements à l’État. Ces demandes ont été rejetée par le ministère de la Guerre en 1872. Le Conseil d’État est alors saisi pour trancher cette épineuse question. 

L’institution va finalement se ranger du côté des victimes dans une décision du 28 mars 1919. La raison : la mauvaise gestion des stocks d’explosifs ayant conduit au drame.

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que, dès l’année 1915, l’autorité militaire avait accumulé une grande quantité de grenades dans les casemates du Fort, situé à proximité des habitations d’une agglomération importante ; qu’elle procédait, en outre, constamment à la manutention de ces engins dangereux, en vue d’alimenter rapidement les armées en campagne ; que ces opérations, effectuées dans des conditions d’organisation sommaires, sous l’empire des nécessités militaires, comportaient des risques excédant les limites de ceux qui résultent normalement du voisinage ; et que de tels risques étaient de nature, en cas d’accident survenu en dehors de tout fait de guerre, à engager, indépendamment de toute faute, la responsabilité de l’Etat ». 

L’État français est donc considéré comme responsable sans avoir commis de fautes. Cette décision va faire jurisprudence pour la postérité. 

Aujourd’hui, le fort de la Double Couronne n’existe plus. À la place, des ensembles de logements ont été bâtis. Des équipements sportifs ainsi qu’un centre de bus de la RATP

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