Aux yeux de Land, Meroë Marston Morse est devenue « une âme sœur, une collègue de travail, une protectrice », écrit Victor K. Kennedy dans sa biographie d’Edwin Land, Insisting on the Impossible. Elle n’a pas eu besoin qu’on lui explique la méthode Polaroid : « émettre une hypothèse, tester l’hypothèse, modifier l’hypothèse, tester par une autre expérience, un train séquentiel à grande vitesse où plusieurs hypothèses et expériences sont proposées chaque heure », une citation d’un des inventeurs de la société, comme enregistrée par McElheny.
Quelques courts mois après son arrivée, Meroë Marston Morse était en charge de la division des pellicules noir et blanc, où elle a mené son équipe à travers les services tout au long de la journée alors que la société faisait une transition et passait des photos sépias monochromes à des pellicules noir et blanc.
Ce processus s’accompagnait de son lot de défis. Non seulement les cristaux situés dans les zones les plus sombres d’une photo réfléchissaient la lumière, mais le papier qu’ils utilisaient absorbaient les empreintes de doigts facilement. Et, peut-être le pire, certaines photos s’effaçaient après quelques mois. Chris Bonanos, dont le livre Instant documente l’histoire de l’entreprise d’appareil photo, écrit que Land décrivait la création de la pellicule noir et blanc comme une « des choses les plus compliquées qu’a réalisées Polaroid ».
Et la jeune femme se trouvait au cœur de tout, comme me l’ont confié les anciens employés de Polaroid John et Mary McCann, lors d’un entretien téléphonique récent. L’équipe de Morse analysait au fur et à mesure de minuscules variations d’une exposition standard, expliquait Mary, et Morse elle-même « avait l’œil pour déceler les différences » grâce à son enseignement en histoire de l’art. « Land et elle sont partis de ces premières expériences en laboratoire jusqu’à vendre les pellicules et récolter des milliards de dollars », ajoute John.
John McCann m’a confié que le temps qu’il a passé chez Polaroid lui rappelait la Renaissance, quand « les meilleurs scientifiques étaient les meilleurs peintres et qu’ils faisaient tout ». Les artistes de Polaroid valorisaient la science et les expériences et leurs perspectives comptaient tout autant que celles de chimistes entraînés.
Au sein du laboratoire de Meroë Marston Morse, les scientifiques étaient dédiés à la création de technologies qui seyaient aux artistes. Elle était l’agente de liaison entre les scientifiques et les photographes qui servaient de consultants à l’entreprise. Elle a ainsi construit des relations avec le photographe de talent Minor White, la pionnière de la photo en couleur Marie Cosindas et le photographe paysager Ansel Adams.