« Une industrie Toxique » C’est en ces termes que des habitants de Villars-sur-Var contestent l’arrivée prévue, sur un terrain privé, d’un atelier de transformation de plastique en mobilier., situé en contrebas du village, dans le quartier plan de Lunel, au cœur du vignoble AOP. », des citoyens ont lancé une pétition, qui a déjà réuni 1.085 signatures.

Objectif: obtenir « l’abandon immédiat du projet », jugeant, en premier lieu, le procédé « émetteur de composés organiques volatils, particules fines, microplastiques, perturbateurs endocriniens cancérigènes susceptibles de se déposer dans l’air, les sols, les cultures bios ou au bord du fleuve ». En face, Valérie Klein, fondatrice de l’entreprise, fait valoir une activité  » responsable » et un procédé « maîtrisé, propre, sans risque ».

Concrètement, il s’agira de déchiqueter jusqu’à 100 tonnes par an de plastiques PP et PE (1) – issus de l’industrie locale – ne nécessitant pas de nettoyage, de les broyer en copeaux secs, puis de les façonner sous forme de plaque dans une presse chauffante (allant jusqu’à 180°), les refroidir et façonner avec du mobilier, via un ajout de bois.

Une méthode utilisée par Plastic Odyssey

Suscitant une levée de boucliers à Villars, le procédé, est utilisé par Plastic Odyssey, collectif international engagé pour la réduction de la pollution dans l’Océan. Sur son bateau-labo et dans une usine de recyclage basée à Dakar, l’organisation utilise peu ou prou les mêmes machines que celles de Zyrclo, dont elle partage les fiches techniques en open source sur son site.

« Le déchiquetage permet une première réduction de volume, le broyage fait des copeaux de mêmes tailles et forme, qui auront le même temps de chauffe. À ce stade, un système d’insonorisation [mis en avant par l’entreprise Zyrclo, NDLR] s’impose car le risque est le bruit », détaille Tom Bébien, directeur technique chez Plastic Odyssey.

En France, il évalue « à moins d’une quinzaine » les entreprises usant de ce procédé de recyclage dit mécanique (à l’inverse de chimique, car aucun produit n’entre en jeu). À l’instar de Carbon blue, dans les Bouches-du-Rhône; ou de la société Le Pavé, basée à Aubervilliers, qui s’est notamment illustrée en réalisant les sièges des Jeux olympiques de Paris 2024.

« Le procédé utilisé n’aura pas d’impact immédiat sur son environnement et sur la santé »

Vient ensuite le moment le plus controversé: celui de la fonte du plastique pour le façonner. « Il s’agit d’un vérin qui va fermer deux plateaux chauffants. À l’intérieur, on dispose un moule dans lequel on met les copeaux. Il y a ensuite une progressivité entre la chauffe et la fermeture des plateaux pour faire fondre doucement les copeaux et les coller. Ensuite on les laisse refroidir. À cette température, ils ne relarguent pas de fumée ni de composant nocif », précise le spécialiste. Seul point crucial: veiller à n’y mettre que des plastiques « propres », non souillés par de l’huile ou autre composant chimiques pouvant se dégrader au contact de la chaleur.

Un constat partagé par Nathalie Gontard, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Voilà 30 ans que cette chercheuse en science de l’emballage étudie le plastique sous toutes ses coutures, un travail faisant d’elle une référente internationale de la matière. « Le procédé utilisé n’aura pas d’impact immédiat sur son environnement et sur la santé, la température de chauffe n’est pas très élevée », corrobore-t-elle.

Recyclage ou décyclage?

Pour autant, la scientifique émet des réserves sur le fond. « Il ne s’agit pas là de recyclage, qui consiste à générer un plastique à l’identique. Le seul recyclage est celui , matière avec laquelle on est capable de refaire des bouteilles », nuance-t-elle. Pour Nathalie Gontard, c’est bien cette notion de décyclage qui pose question. « Transformer le plastique en mobilier, c’est chercher de nouveaux débouchés pour la matière. Cela revient à remplacer du bois, par exemple, par du plastique, en maintenant une dépendance à ces déchets. Par ailleurs, ces objets, aussi beaux soient-ils, continueront, comme tous les plastiques, à émettre des micros et nanoparticules au fil de leur vie. L’urgence, c’est de réduire le plastique à la source. Construire des débouchés économiques, c’est un cercle vicieux », juge-t-elle.

(1) Polypropylène et polyéthylène.

(2) Polytéréphtalate d’éthylène.