Il y a là un paradoxe apparent. Après tout, l’Art déco prône une relative simplicité. Après les folles envolées lyriques, animales et organiques de l’Art nouveau (et de l’École de Nancy), qui multipliait motifs de végétaux, d’insectes et de fleurs diverses sur ses vases, verres et pieds de lampes en verre, l’Art déco, au contraire, a joué la carte de la sobriété et des motifs géométriques.
Et c’est bien ce que portent en leurs flancs, et leurs formes, les verreries exposées ce mois-ci sur les socles de la galerie Graffigny : la simplicité.
En revanche, elles en imposent ! La plupart des 34 (très belles) pièces sélectionnées pour l’événement Le Souffle du verre Art déco se distinguent en effet par leurs volumineuses dimensions. C’est aussi pour cette raison que le Musée des beaux-arts de Nancy les a choisies.
Cette exposition printanière est le fruit d’une collaboration. Si elle s’affiche dans les murs du « château » de Villers-lès-Nancy, c’est en puisant dans les collections du musée de Nancy, ou plus exactement dans ses réserves, en l’occurrence des pièces rarement vues, parce qu’encombrantes.
« Cinq d’entre elles pourraient suffire à remplir nos vitrines au musée », ajoute Marion Pacot, attachée de conservation au musée, dont le sous-sol, rappelons-le, est tout entier consacré aux verreries-cristalleries Daum, fleuron industriel de Nancy.
Amphores antiques
C’est une chance pour ces 34 pièces de pouvoir sortir de leur invisibilité, au moins momentanément. Choisies pour leur taille, donc. Mais avant tout pour la période de leur fabrication : des années 20 jusqu’à la fin des années 30. L’événement s’inscrit dans le cadre du programme Métro’Folies célébrant le centenaire du mouvement Art déco.
Les verreries Daum, pourtant grandes défenseuses de l’Art nouveau, en avaient pris le virage à bras-le-corps. « D’autant plus qu’à cette même époque, l’entreprise change de mains : dans la foulée d’Antonin Daum, c’est son neveu Paul qui prend les rênes. » Il imprime à la verrerie une nouvelle direction.
« Cela se traduit à la fois dans les formes, amphores, coupes, cratères (sous influence de classique, de l’antique) mais aussi sur la déco, où l’on retrouve chevrons, oves, frises et spirales, par exemple. »
Dans les ateliers Daum, l’époque voit aussi s’inviter de nouvelles techniques. Sur les socles, l’œil expert repère la méthode de gravure à la roue ou à l’acide fluorhydrique, mais aussi les décors intercalaires, le verre givré, ou encore la gravure à très gros relief, quasi « taillée » dans la masse.
Nouvelle palette de couleurs
« Cette période permet par ailleurs de beaucoup jouer sur les effets de matières, et une forme d’imprévisibilité. La technique du bullage à la soude, par exemple, ne permettait pas d’anticiper la façon dont les bulles allaient se répartir dans la masse du verre. »
Quant aux couleurs, elles sont utilisées avec plus de parcimonie qu’autrefois, moins nombreuses sur le même objet. « En revanche, a jailli une nouvelle palette. C’est très net par exemple avec une lampe exposée d’un violet très intense, vraiment très originale. D’ailleurs, elle pourrait largement figurer dans notre expo permanente, si on lui faisait un peu de place. » En attendant, c’est à la galerie Graffigny que ça se passe !
Le Souffle du verre Art déco, galerie Graffigny, Villers-lès-Nancy, du mercredi au samedi (14 h-18 h 30) et dimanche (14 h-18 h), jusqu’au 27 avril. Entrée libre.