Par
Antoine Blanchet
Publié le
4 août 2025 à 6h08
En haut du couloir, une verrière. Une chaleur aux allures tropicales se diffuse dans le corridor de la prison de la Santé à Paris ce jeudi 24 juillet 2025. Si le climat de la journée est tempéré, quelles sont les conditions de détention durant les vagues de canicule, dont la dernière en date a touché la capitale en début de mois ? C’est guidée par cette interrogation que la députée de Paris Léa Balage El Mariky (Les Écologistes) s’est rendue au sein de la maison d’arrêt pour effectuer une visite parlementaire inopinée.
100 % des détenus exposés aux canicules
Derrière ce questionnement, une étude réalisée par l’association Notre Affaire à Tous en juillet 2024 et relayée par l’Observatoire international des prisons (OIP). Selon l’association, qui a mené ses analyses dans l’ensemble des prisons françaises, c’est 100 % des détenus qui sont exposés aux vagues de chaleur et canicule.
De nombreux facteurs viennent en effet faire courir des risques. « Les fenêtres cassées rendent impossible l’aération de la cellule ou leur fermeture aux heures les plus chaudes (…) les horaires des promenades sont rarement adaptés, tout comme la conception même des cours de promenade », égrène l’association. Dans certains établissements visités par l’OIP en 2023, plusieurs détenus décrivaient des journées harassantes avec des cellules comparées à des « fours ».
Une douche par cellule
Parmi les centres pénitentiaires de l’hexagone, la prison de la Santé n’est toutefois pas la plus mauvaise élève. Rénovée en 2019, la maison d’arrêt est l’une des rares à avoir installé des douches au sein des différentes cellules. « Les détenus peuvent les utiliser toute la journée en période de canicule pour se rafraîchir », explique la cheffe d’établissement par intérim (le directeur de la Santé était en congé lors de la visite parlementaire ndlr). Les robinets diffusent aussi en permanence de l’eau fraîche, ce qui permet aux occupants de s’hydrater. Une vraie amélioration comparée à d’autres établissements où les douches, collectives, sont limitées à trois jours par semaine.
Cependant, ces installations ne sont pas parfaites. « Les douches fonctionnent via un bouton poussoir et on n’a pas la possibilité de modifier la température quand on le souhaite. Il faut faire une demande », nous explique un détenu.
Des protocoles mis en place
L’administration pénitentiaire l’assure : des mesures sont prises à chaque épisode de canicule, tant pour les agents que pour les détenus. « Tous les ans, nous avons des notes de service à ce sujet. Pour les agents, nous fournissons des points d’eau et si des agents vont dans des endroits éloignés de la prison, on leur fournit des bouteilles d’eau », détaille la cheffe d’établissement. Concernant les détenus, l’administration pénitentiaire veille à l’aide des plus démunis. « Les indigents, qui sont au nombre de 400, reçoivent un bob pour se protéger du soleil et 1,5 d’eau potable tous les jours« , poursuit, la directrice par intérim.
Une inégalité d’accès
Pour les prisonniers, le nerf de la guerre face aux canicules, c’est la cantine. Cette dernière permet à ceux qui en ont les moyens d’acquérir des denrées ou des objets afin de faciliter leur vie quotidienne. En période de canicule, il est possible d’obtenir des ventilateurs, qui sont récupérés une fois la vague de chaleur passée. Ces derniers coûtent une vingtaine d’euros. Une somme honnête, mais que les nombreux indigents ne peuvent dépenser. Même chose pour la crème solaire. Cette dernière coûte 17 euros. Des brumisateurs sont aussi disponibles pour 4 euros.
« Il n’y a pas trop d’air »
« Le vrai problème, ce ne sont pas les UV, c’est la chaleur », assure un prisonnier interrogé par la députée lors de la visite. Les petites cellules de 9 m² sont difficiles à rafraîchir. « La nuit, c’est compliqué », relate ce même détenu. Dans plusieurs des cellules, des draps mouillés sont accrochés aux fenêtres afin d’empêcher le soleil de passer. « La pratique est habituellement interdite, mais elle est tolérée pendant les fortes chaleurs », indique une membre de l’administration pénitentiaire. Des thermomètres seraient aussi présents pour contrôler de manière ponctuelle la température dans les cellules. Malgré les demandes de la députée, les chiffres relevés ne sont pas communiqués.
À cette chaleur présente s’ajoute la surpopulation. La prison de la Santé ne fait pas exception dans le milieu carcéral. Au sein de l’établissement de 707 places, les cellules sont doublées avec un second lit, voire triplées avec un matelas. « Ce jeudi 24 juillet, il y a 109 matelas au sol », indique la cheffe d’établissement par intérim.
L’une des cellules avec matelas a pu être visitée par Léa Balage El Mariky dans le quartier de la maison d’arrêt. « C’est compliqué. La cellule est petite et il n’y a pas trop d’air. C’est difficile de cuisiner aussi, car la plaque de cuisson est dans la cellule. Ce qui chauffe encore plus. La nuit, on essaie de dormir le plus tard possible. Heureusement, un de mes codétenus a pu cantiner un ventilateur », détaille l’un des occupants.
Des lieux de promenade variables
De manière quotidienne, les détenus de maison d’arrêt peuvent effectuer une promenade au sein de lieux dédiés. Ces dernières durent deux heures par jour. Lors des canicules, les horaires peuvent varier pour éviter les pics de chaleur. « Nous n’avons pas eu besoin, car ici, elles commencent à partir de 14h30, ce qui est en dehors des périodes de pics de chaleur », affirme une membre de l’administration. « Pourtant, à Paris, les horaires conseillées lors des canicules, c’est après 18 heures », rétorque Léa Balage El Mariky. Une horaire tardive impossible à mettre en place, reconnaissent les employés de la Santé.
S’ils sont équipés de préaux, les espaces de promenade restent entièrement bétonnés. Une vraie source de chaleur lors des canicules. Exception notable : le QB1, dédié au module « Respect ». Il s’agit d’une incarcération, où les détenus, qui rentrent sur dossier, peuvent sortir de leurs cellules une bonne partie de la journée. En contrepartie, ils doivent s’impliquer dans la vie du bâtiment. Dans l’espace dédié à la promenade de ces 102 prisonniers, la présence de végétation permet une plus grande fraîcheur. Des ruches d’apiculture y sont même présentes.
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