Des poses au milieu des champs de fleurs aux pique-niques dans les criques désertes du sud de la France, en passant par les phoques trop mignons qui se dorent au soleil en baie de Somme… Ces photographies sont partout sur les réseaux sociaux, notamment en période estivale. Des clichés de vacances qui peuvent avoir un coût élevé pour certains espaces naturels, de plus en plus exposés au surtourisme.
Selon une étude Opodo réalisée en avril 2024 auprès de 9.000 consommateurs dans le monde, dont 1.000 Français, 58 % des 25-34 ans et 52 % des 18-24 ans utilisent les réseaux sociaux pour trouver leur futur lieu de vacances. « Chaque photo peut avoir un impact sur le choix de la destination mais aussi sur la manière de la visiter », souligne Marie Le Scour, chargée de mission communication pour le Réseau des Grands sites de France, qui regroupe des paysages français emblématiques comme la dune du Pilat, Rocamadour ou les falaises d’Etretat.
Pour faire avec ces nouvelles habitudes, l’institution a publié un guide à destination des influenceurs. L’objectif : guider les créateurs de contenus, avec des exemples concrets de photos ou de vidéos, vers une démarche plus durable. Et comme nous sommes tous un peu influenceurs, voici quelques conseils pour immortaliser ses vacances et les poster sur Instagram sans encourager les pires comportements.
Rester naturelEtretat comme vous ne le verrez jamais à l’oeil nu VS Etretat, les pieds dans l’eau avec des vacanciers. - Pixabay
« Il faut valoriser le paysage tel qu’il est, avec ses couleurs naturelles et non pas des teintes retouchées, très saturées », pose Marie Le Scour.
Des couleurs trop transformées donnent une image trompeuse par rapport à la réalité. Avec un risque de déception pour le voyageur. « Il faut que ce soit cohérent avec la réalité, que l’habitant puisse se reconnaître, c’est notamment ce qui permet l’acceptabilité du tourisme pour les habitants », indique-t-elle.
Il y a de la vie ? ParfaitUne petite fille court dans des champs de lavande fluorescentes, seule au monde VS un agriculteur coupe à la main les fleurs, à l’occasion du Festival de la lavande. - StillbySuki/Pixabay (D), LOUAI BARAKAT/SIPA (G)
Les photos cadrées « carte postale », comme si le touriste était seul au monde alors que le lieu est bondé, sont à éviter. Au contraire, des photos « grand angle » permettent d’apprécier un paysage, mais aussi de comprendre comment il est formé… et même de voir de la vie l’habiter. « L’enjeu, c’est de réancrer la photographie dans son territoire : favoriser la rencontre avec ceux qui vivent et travaillent sur place », appuie Marie Le Scour.
Dans les champs de lavande par exemple, il est facile d’oublier que ce sont des exploitations agricoles et non un fond vert utilisé pour des demandes en mariage ou des shootings photo. « Certaines photographies déconnectent le territoire de son usage premier. On ne sait même plus où on est », pointe la chargée de communication. Et d’ajouter, en riant : « C’est OK de montrer un tracteur ».
Prendre des photographies en immersionLes gorges du Verdon vues du ciel VS les gorges du Verdon vues de la rivière lors d’une activité canoë. - Pixabay (G) Daniel Cole/AP/SIPA (D)
Petit combo pour ce cliché des Gorges du Verdon, entre les Alpes-de-Haute-Provence et le Var : une photo vue de haut, où la rivière est vide de plaisanciers et où l’eau est très bleue. « Il vaut mieux favoriser les photos en immersion, prises à hauteur d’homme : à bord d’un canoé par exemple », explique Marie Le Scour. Quitte à aussi mettre en avant d’autres saisons que l’été et son soleil.
« Les vues de drones, ça va rendre la visite déceptive parce que ça ne reflète pas ce que le visiteur voit réellement », abonde-t-elle. Parfois, sur certains sites, la vue aérienne peut même favoriser « une déconnexion de la réalité », comme si le paysage était un tableau plutôt qu’un lieu de vie.
« On ressent mieux le pied posé au sol », résume la chargée de communication. Les photos macros mettant en avant le détail d’un bâtiment, la flore ou encore les galets d’une plage permettent également de capturer des souvenirs d’une façon plus sensible.
Géolocaliser, ce n’est pas obligé
Une photo, une localisation, et voici qu’un petit coin de paradis, connu de quelques habitués, devient une attraction mondiale. Des faux « lieux secrets » qui circulent sur les réseaux sociaux jusqu’à saturation.
« Une géolocalisation peut avoir un effet très fort dans un lieu qui n’est pas préparé à recevoir d’un seul coup beaucoup de monde, insiste Marie Le Scour. Au lieu d’un point précis, on peut localiser plus large, à l’échelle d’un territoire, par exemple ».
L’ONG de protection WWF propose par exemple un moyen de contrer cette tendance avec la localisation « I Protect Nature », qui permet de créer un lieu fictif sur Instagram, tout en mettant en avant des paysages naturels et préservés.
Respecter les règles pour prendre sa photoUne photo au bord de la falaise, à Etretat. - Sarinka_/Pixabay
Le jeu en vaut-il la chandelle ? En 2022, trois touristes sont mortes après avoir chuté des falaises d’Etretat en prenant un selfie ou une photographie. « La photo que tout le monde fait peut avoir de lourdes conséquences », alerte Marie Le Scour, qui appelle à « rester dans les sentiers et les pistes balisées ».
Retrouvez ici tous nos articles sur le tourisme
Idem pour le stationnement des vans ou les bivouacs sauvages : il faut vérifier, avant de s’installer et de poster ses photographies de vacances, si les règles du lieu sont respectées.
Mettre en avant une balade en vélo plutôt qu’en quad, un marché de producteurs locaux plutôt qu’un fast-food, ou encore utiliser la légende de ses photographies pour contextualiser le paysage sont aussi des bons réflexes conseillés par le guide.
« Aujourd’hui, malgré un effet de mimétisme, on sent de plus en plus de voyageurs soucieux de l’environnement et qui cherchent la transparence sur les contenus proposés sur les réseaux sociaux », se réjouit néanmoins la chargée de communication du Réseau des Grands sites de France.