Concrétisation d’une promesse d’Emmanuel Macron lancée à Ouagadougou en 2017, un projet de loi-cadre visant à faciliter la sortie des biens coloniaux des collections françaises a été présenté en conseil des ministres, mercredi 30 juillet 2025. Sur le réseau social X, la ministre de la Culture Rachida Dati s’est félicitée d’un « acte fort […] pour l’apaisement, pour la reconnaissance des mémoires et pour le renouvellement de nos relations avec les pays qui en ont été victimes ».

S’appliquant en priorité aux pays africains mais de « portée géographique universelle », ce texte vise à accélérer le retour de biens culturels réclamés par des « États qui, du fait d’une appropriation illicite, en ont été privés » entre 1815 et 1972, selon le ministère de la Culture. Sont concernés les biens culturels acquis « dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d’une personne qui ne pouvait en disposer », a-t-il précisé.

La France n’a rendu qu’une vingtaine d’objets

Le texte devrait être présenté en septembre au Sénat. Il prévoit qu’au lieu d’une loi spécifique pour chaque œuvre ou objet, seul un décret du Conseil d’État (plus haute juridiction administrative) et la preuve documentée de son appropriation illicite suffisent. Une commission bilatérale associant des experts et des historiens français à ceux de l’État demandeur sera chargée de ce travail, si besoin, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d’un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d’œuvres à l’échelle européenne. 1972 est celle de l’entrée en application de la convention internationale de l’Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.

Alors que des milliers de pièces ont déjà été restituées à l’Afrique de par le monde, la France est « à la traîne », selon la chercheuse et anthropologue Saskia Cousin, spécialiste de la question. Jusqu’à présent, Paris n’a rendu que vingt-six objets du trésor royal d’Abomey au Bénin en 2021, ainsi que le tambour parleur Djidji Ayôkwé cette année à la Côte d’Ivoire. Un sabre, supposé avoir appartenu au chef de guerre El Hadj Oumar Tall, a également été rendu au Sénégal en 2019 mais des doutes demeurent quant à l’identité de son propriétaire, selon certaines sources.

Au musée du Quai Branly, 72.000 objets africains

Une dizaine d’autres demandes lui ont été formulées officiellement, « certaines, très généralistes, pour lesquelles la ministre française de la Culture a demandé un resserrement du champ, comme pour l’Éthiopie qui réclamait il y a quelques années toutes les œuvres contenues dans les collections nationales », a indiqué le ministère.

L’Algérie réclame pour sa part des effets personnels de l’émir Abdel Kader et le Mali des pièces du trésor de Ségou qui avaient été saisies lors d’opérations militaires liées à la conquête coloniale. Le Bénin souhaite également que la France étudie d’autres demandes après les vingt-six objets déjà restitués, a-t-il détaillé.

Acquis durant la période coloniale souvent par la force ou la coercition, mais pas toujours, une grande partie des 72.000 objets africains du musée du Quai Branly à Paris font par ailleurs l’objet d’un travail au long cours sur leur provenance en vue d’éventuelles restitutions. Un certain nombre de travaux scientifiques sont aussi conduits au musée de l’Homme, à Paris, selon le ministère.

« Réparation matérielle et symbolique »

Le projet de loi-cadre concentre « l’essentiel des attentes », a récemment convenu Rachida Dati. Le texte poursuit un objectif de « réappropriation », par les États demandeurs, « d’éléments fondamentaux de leur patrimoine », ainsi qu’une « réparation matérielle et symbolique du lien qui unit les États concernés à leur patrimoine et à leur mémoire », a souligné le ministère.

Il s’agit de la troisième et dernière étape d’un dispositif législatif visant à faciliter la sortie d’œuvres du domaine public. En 2023, la France a adopté deux autres lois-cadres : la première facilite la restitution des biens spoliés par les nazis. La seconde concerne celle des restes humains. Elle a trouvé une première application avec la restitution de trois crânes à Madagascar, qui devrait être officialisée fin août.