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Alors que la guerre à Gaza se poursuit et que la famine y fait des ravages, les gouvernements des États membres de l’UE intensifient leurs pressions sur Israël.
Le pays fait face à sa plus forte réaction diplomatique européenne depuis des années. Même l’Allemagne, longtemps considérée comme l’alliée la plus indéfectible de Tel-Aviv, durcit désormais son ton.
Certains États membres acheminent de l’aide humanitaire par avion aux Palestiniens et envisagent de suspendre la participation d’Israël au programme phare de l’Union pour la recherche et l’innovation, Horizon Europe.
L’expression « tsunami diplomatique », autrefois utilisée par d’anciens responsables israéliens pour décrire une vague mondiale de réactions hostiles, refait surface dans les médias du pays.
Au cœur du débat politique européen se trouve actuellement une question aussi controversée qu’ancienne : l’Union européenne doit-elle reconnaître officiellement l’État palestinien ?
La France, avec le soutien de l’Arabie saoudite, tente de créer une dynamique conduisant davantage de pays à reconnaître la Palestine en vue de l’Assemblée générale de l’ONU de septembre. Compte tenu de son statut quasi étatique actuel, une telle reconnaissance aurait une valeur largement symbolique. Il s’agirait en effet d’un geste moral et politique fort, mais peu susceptible de changer la réalité sur le terrain.
Des pays comme l’Espagne, l’Irlande, la Slovénie et la Norvège ont déjà franchi le pas l’an dernier. D’autres, dont le Royaume-Uni, Malte et la Finlande, ont récemment annoncé leur volonté de faire de même. Mais ce mouvement reste loin de faire l’unanimité.
Dans plusieurs anciens pays communistes de l’UE qui soutenaient autrefois la reconnaissance, l’enthousiasme est retombé.
Par ailleurs, en Finlande, le Parti de la coalition nationale (KOK) au pouvoir a été contraint de revenir sur son soutien après que ses partenaires de coalition — les Vrais finlandais (PS), le Parti populaire suédois de Finlande (SFP) et les Chrétiens-démocrates — ont déclaré n’avoir pas été consultés. Un désaccord qui menace désormais la stabilité du gouvernement.
En Belgique, les factions de droite du gouvernement — le parti nationaliste Nouvelle alliance flamande (N-VA) et le Mouvement réformateur (MR) libéral — s’opposent à la reconnaissance, entrant en conflit avec le parti centriste Les Engagés, les chrétiens-démocrates et les socialistes flamands.
Au Portugal, le Premier ministre de centre-droit Luis Montenegro, sous la pression du parti populiste d’extrême droite Chega, a opté pour la prudence. Il s’engage à rechercher un consensus avant de prendre une décision.
La France fait valoir que la reconnaissance de la Palestine pourrait relancer la solution des deux États, en soulignant l’accord inédit conclu la semaine dernière entre les pays arabes et européens, qui subordonne la création d’un État palestinien à la dissolution du groupe terroriste palestinien du Hamas et à l’abandon du contrôle de Gaza.
Le Hamas, cependant, insiste sur le fait qu’il ne déposera les armes qu’une fois qu’il aura un État. Israël et les États-Unis y voient un piège, craignant qu’une reconnaissance ne renforce le Hamas et n’enterre toute perspective de négociation en vue d’une paix.
Pendant ce temps, sur le terrain, la guerre s’intensifie. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, confronté à la pression de sa coalition d’extrême droite, poursuit et étend l’offensive à Gaza, après la diffusion de vidéos des otages Rom Braslavski et Evyatar David. Vingt otages seraient encore en vie, et le Premier ministre promet leur libération par la force militaire.
Benyamin Netanyahou s’accroche au pouvoir avec le soutien de ministres d’extrême droite, ces derniers ayant tout de même menacé de renverser le gouvernement s’il mettait fin à la guerre.
Toutefois, cette approche de la guerre a suscité une condamnation rare d’anciennes figures israéliennes de la sécurité et de l’armée, qui ont lancé un appel public en faveur d’un cessez-le-feu — un appel resté lettre morte.
Au niveau de l’UE, la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a mené la réponse du bloc, dénonçant les vidéos d’otages diffusées par le Hamas et le Jihad islamique, un autre groupe armé palestinien.
Le président Emmanuel Macron a quant à lui dénoncé la « cruauté abjecte » et l’« inhumanité sans limite » du Hamas, tandis que le chancelier allemand Friedrich Merz a déclaré que le groupe torturait les otages, terrorisait Israël et « utilisait la population de Gaza comme bouclier humain ».
La commissaire européenne chargée de l’aide humanitaire, la Belge Hadja Lahbib, a ensuite exhorté Israël à laisser passer l’aide et à cesser d’entraver l’accès des organisations humanitaires de l’UE.
Kaja Kallas a été la première à réagir depuis Bruxelles, et un commentaire du député estonien Marko Mihkelson, membre éminent du Parti de la réforme d’Estonie autrefois dirigé par Kaja Kallas elle-même, résume bien sa position : « La barbarie du Hamas rend impossible pour l’Estonie et les pays qui partagent ses valeurs de reconnaître la Palestine ».
L’Estonie et d’autres pays baltes, de même que l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche et la République tchèque ne reconnaissent pas la Palestine.
Alors que le compte à rebours avant la réunion de l’ONU en septembre a commencé, le débat interne en Europe devrait s’intensifier. D’ici là, Benyamin Netanyahou tient bon, soutenu par l’Américain Donald Trump, tandis que les otages restent prisonniers et que la guerre se poursuit.