Alors que le dispositif iNOUïS du Printemps de Bourges célèbre ses 40 ans, le groupe Last Train incarne à merveille l’impact que peut avoir ce tremplin sur la vie d’un groupe.

20 Minutes a interrogé deux membres du groupe révélé en 2015, Jean-Noël Scherrer et Antoine Baschung pour revenir sur cette étape de leur parcours – et sur tout ce qu’elle a déclenché. Dix ans plus tard, Last Train vient de sortir III, un nouvel album 100 % rock, fidèle à leur fougue et à leurs amitiés.

Un concert bancal, un déclic immédiat

« Le premier souvenir des iNOUïS ? Julien qui casse son ampli. » Antoine éclate de rire. Ce soir-là, sur la scène du Printemps de Bourges, Last Train monte jouer avec un matériel usé par la tournée et une énergie brute. « On était à la fin d’une tournée hyper intense, on était venus pour en découdre. Mais dès le début, c’était le bordel. » Une entrée chaotique… et pourtant, le groupe décroche le prix du dispositif. « On n’aime pas trop désigner un moment unique comme décisif, parce qu’un parcours, c’est une somme d’étapes. Mais les iNOUïS du Printemps de Bourges restent clairement une étape charnière dans notre histoire. »

Le plus fou ? Ils n’étaient même pas au courant qu’il y avait quelque chose à gagner. « Pour nous, jouer au Printemps de Bourges, c’était déjà énorme. Le reste, c’était du bonus. » Ce soir-là, sans le savoir, Last Train passe un cap. Pas seulement parce que leur nom commence à circuler, mais parce qu’ils mettent un pied dans le côté professionnel de l’industrie musicale. « Il est difficile aujourd’hui d’imaginer ce qu’aurait été notre parcours sans les iNOUïS. Certes, des choses étaient déjà en train de se mettre en place, mais ce dispositif a agi comme un véritable accélérateur. Il a offert un coup de projecteur considérable sur ce qu’on proposait, au moment où on en avait le plus besoin », explique le chanteur du groupe.

Une décennie marquée par la scène

Last Train, c’est l’histoire d’un groupe qui a commencé tôt. À l’âge de 12 ou 13 ans, les garçons décident de former un groupe pour faire de la musique. « On a fait nos premiers concerts en 2009, dans des fêtes de quartier. On jouait nos propres morceaux, sans chant, juste pour le plaisir. » Dès le lycée, ils montent leurs premières tournées DIY. « Dès qu’on a eu le permis, on a tout fait nous-mêmes : des cafés-concerts, des premières parties, l’Europe… Mais le projet s’est vraiment enclenché en 2014. C’était la première tournée qui accompagnait la sortie d’un premier single avec un clip », témoigne Jean-Noël Scherrer.

En 2015, les iNOUïS arrivent au bon moment. Le projet est plus construit, solide, cohérent. Et la suite ne fait que le confirmer : 100 concerts par an pendant plusieurs années, des dates en Amérique du Nord, les premières parties de Placebo, Johnny Hallyday, Muse… « On disait oui à toutes les premières parties. On ne refusait rien. On a même retardé au maximum la sortie de notre premier album, parce qu’on voulait d’abord rencontrer un public », raconte Antoine.

Leur secret ? Le live. Toujours. « Jouer devant des gens qui ne sont pas venus pour toi, c’est formateur. Tu n’as rien à perdre, tout à prouver », explique-t-il. Et dix ans plus tard, cette exigence n’a pas changé : « Un concert, on ne peut pas le faire à moitié. Tu montes sur scène, tu donnes tout. Sinon, il faut faire autre chose. »

Les iNOUïS, une bascule discrète mais décisive

Derrière cette success-story, il y a le dispositif iNOUïS. Pour Last Train, il ne s’agit pas d’un simple concours. C’est un déclencheur. « Ce tremplin a permis un coup de projecteur énorme sur ce qu’on faisait. On en est éternellement reconnaissants. »

Mais ce qui a le plus marqué le groupe, c’est l’aspect local. « Tout a commencé à Mulhouse. Ce sont des gens de chez nous qui nous ont poussés à postuler. Des antennes locales qui nous ont fait confiance. »

Cette chaîne de solidarité artistique, le groupe insiste pour la valoriser. « C’est ça qu’il faut dire aux jeunes groupes : allez rencontrer les gens près de chez vous. Des gens qui bossent dans les salles, qui programment, qui repèrent. Ce sont eux qui, un jour, peuvent vous aider à franchir une étape. »

Et Jean-Noël le répète : ce n’est pas la victoire qui compte, c’est l’exposition, la scène, le moment. « On pensait que le simple fait de jouer à Bourges, c’était déjà la récompense. C’est après qu’on a compris l’impact que ça aurait. »

Rester ensemble, rester sincères

Dix ans plus tard, les quatre membres du groupe sont toujours là. Ensemble. Amis. Et c’est peut-être ça, la clé. « On est quatre personnes différentes, et il y a un respect mutuel. On ne s’est jamais dit : il faut préserver le groupe à tout prix. On s’est toujours dit : il faut préserver notre lien, notre respect mutuel », insiste le chanteur.

Cette fidélité se retrouve aussi dans leur manière de créer. Leur dernier album, III, est un retour à l’essence du rock : guitare, basse, batterie. Brutal, urgent, frontal. « Après un projet orchestral très produit, on avait besoin de revenir à quelque chose de plus instinctif, de plus rentre-dedans. »

Le résultat : un disque pensé pour la scène, avec une énergie qui claque dès la première note, dès le premier son de Home. « On avait envie de faire du bruit, et que ce soit jouissif, sur scène, pour nous comme pour le public », témoigne le batteur du groupe.

Un mot pour les artistes émergents ? Soyez vous-mêmes.

Leur regard sur l’époque a évolué. Pas de nostalgie, mais une lucidité tranquille. « Chaque artiste doit trouver sa voie. TikTok, les algorithmes, pourquoi pas. Mais faites-le si ça vous éclate. Pas parce qu’il faut. » Ce qu’ils défendent avant tout, c’est la sincérité. « Ne traquez pas les tendances. Soyez fidèles à ce que vous êtes. Il y a autant d’histoires que d’artistes », concluent les deux amis.