Alors que l’objectif d’indépendance énergétique face à la Russie s’est affirmé dans l’Union européenne depuis le début de la guerre en Ukraine, les flux de gaz naturel en provenance de Russie connaissent un regain notable. Plusieurs pays continuent de s’approvisionner, révélant les limites structurelles et économiques de la transition énergétique engagée depuis 2022.

Un approvisionnement qui résiste malgré les ruptures

Depuis l’interruption des livraisons via Nord Stream à destination de l’Allemagne, conséquence de baisses de débit et d’actes de sabotage, le gazoduc TurkStream est devenu la principale artère d’acheminement du gaz russe vers l’Europe. Ce corridor, qui traverse la Turquie et les Balkans, a permis à Gazprom d’exporter en moyenne 51,5 millions de mètres cubes par jour en juillet, selon des données récentes, marquant une hausse de 4,7 % sur un an. Cette progression suit une période de maintenance en juin ayant temporairement réduit les volumes transportés.

Ce rebond de 37 % par rapport au mois précédent montre que, malgré les tensions géopolitiques, les flux énergétiques restent conditionnés à des réalités techniques et contractuelles.

Des verrous techniques et économiques encore présents

La persistance de ces importations s’explique par plusieurs facteurs. Certains pays d’Europe centrale, notamment la Hongrie et la Slovaquie, continuent à dépendre du gaz russe en raison d’une infrastructure d’approvisionnement limitée et d’une industrie calibrée pour les caractéristiques du gaz russe. Modifier ces systèmes exigerait des investissements importants et une réorganisation de certains secteurs industriels.

Par ailleurs, de nombreux contrats passés avec la Russie sont assortis de clauses de résiliation anticipée entraînant des pénalités financières importantes. Ces accords à long terme freinent les efforts de diversification, surtout dans un contexte économique incertain.

Une transition énergétique plus complexe que prévu

L’ambition affichée par Bruxelles d’éliminer progressivement les importations d’hydrocarbures russes rencontre donc des obstacles multiples. Si des progrès notables ont été accomplis dans certains pays, l’Europe reste confrontée à une réalité hétérogène, où chaque État avance à son rythme en fonction de ses capacités de substitution.

Ce constat rappelle que l’indépendance énergétique ne se décrète pas, mais se construit dans le temps, au prix d’une coordination renforcée, de choix technologiques cohérents et d’une volonté politique durable. Alors que les tensions internationales demeurent vives, la question du gaz russe reste, pour une partie de l’Europe, une affaire loin d’être réglée.