Il dénote dans le monde du banditisme insulaire. Pourtant, Yassine Akhazzane en fait pleinement partie à en croire les enquêteurs du service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée (Sirasco). Ils placent effectivement ce Proprianais de 37 ans, à la tête d’une des vingt bandes du crime organisé corse.

Le 25 novembre dernier, il était également mis en examen par un magistrat de la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille pour une tentative d’extorsion, sur un commerçant de la cité phocéenne, aux côtés de membres de la DZ mafia, pour un supposé rôle de « prestataire de services », de « booker », qu’il aurait joué depuis sa cellule du centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet. Une infraction contestée par le mis en cause.

C’est sans doute pour toutes ces raisons et afin de le couper de ses relais que le trentenaire a été transféré le 27 juillet à la prison de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, la première prison de haute sécurité en France, inaugurée le 31 juillet dernier. Les 17 premiers transferts, sur les cent prévus dans cette prison, ont cependant eu lieu le 22 juillet dernier.

276 surveillants pour 100 détenus, soit dix fois plus qu’en temps normal

À l’automne, cent autres narcotrafiquants – également réputés pour faire partie des plus influents, voire des plus dangereux du pays -, seront acheminés dans une deuxième prison de haute sécurité à Condé-sur-Sarthe, dans l’Orne. À l’intérieur de la prison, les équipes de surveillance ont été largement renforcées avec 276 surveillants pour cent détenus, soit dix fois plus qu’en temps normal.

Me Charlotte Cesari, qui intervient pour la défense de Yassine Akhazzane estime que son client n'a pas sa place dans cette structure et affirme qu'il n'appartient "à aucun clan".Me Charlotte Cesari, qui intervient pour la défense de Yassine Akhazzane estime que son client n’a pas sa place dans cette structure et affirme qu’il n’appartient « à aucun clan ». Gilles Bader

Yassine Akhazzane est le premier détenu insulaire à intégrer cette structure. Une décision qui fait bondir sa défense, représentée par Me Charlotte Cesari, qui voudrait bien ramener son client à un rôle plus modeste que celui de chef de clan, attribué à tort, selon elle, « notamment à cause des articles de presse », peste la pénaliste. « Il n’a absolument pas le profil pour se retrouver là. Ce transfert va également poser de nombreux problèmes dans le cadre de l’exercice de notre métier. D’une part, ses avocats sont basés à Marseille. Ensuite, nous ne pourrons pas avoir nos ordinateurs professionnels durant nos entretiens qui se dérouleront, au passage, à travers une vitre. J’ai beaucoup de craintes au sujet du respect du secret professionnel. Je peux aussi affirmer qu’il n’aura plus de visite de sa famille, puisque ses proches devront traverser la France pour, en plus, n’avoir aucun contact physique avec lui », détaille l’avocate.

En juin dernier, alors qu’il était jugé à Aix-en-Provence pour des menaces sur un surveillant pénitentiaire de la prison de Luynes où il se trouvait incarcéré, la procureur avait dépeint Yassine Akhazzane en ces termes : « une personnalité sensible et particulièrement dangereuse ». Un homme « à la frontière de deux mondes », juge un autre magistrat.

Mais à la barre, le prévenu montre toujours son meilleur profil. Contrairement aux pratiques insulaires, qui reposent sur des dénégations fermes en dépit des éléments factuels du dossier, Yassine Akhazzane prend souvent sa part, admet, se veut critique envers lui-même. Il ose même le second degré devant ses juges. « Une stratégie », explique un enquêteur qui reconnaît tout de même qu’il est bien le seul à choisir ce chemin du « moins pire ».

« En France, il y a un principe de confusion des peines. En somme, dans certains cas, qu’il ait une condamnation ou dix, il ne pourra pas dépasser un certain nombre d’années », illustre-t-il. Pour l’heure, celui qui affiche plus de vingt mentions à son casier judiciaire ne sera pas libérable avant 2044.

« Ce document, le Sirasco, bafoue la présomption d’innocence »

Sur son rôle de chef de bande, selon la note du Sirasco rédigée en janvier dernier, son avocate remarque que la plupart des personnes qui composent son « équipe » sont « des membres de sa famille ». « Des personnes qui, par ailleurs, n’ont pour la plupart jamais été condamnées. Ce document bafoue la présomption d’innocence. Tout le monde s’en sert pour noircir du papier mais il n’y a aucun élément de preuve », balaye-t-elle affirmant que son client n’appartient à « aucun clan ».

Pour rappel, les notes du Sirasco sont censées être confidentielles et représentent un outil pour les personnels qui travaillent sur la criminalité organisée. Il évolue régulièrement et peut rapidement devenir obsolète.

À l’occasion d’une émission réalisée par Corse-Matin, sur les 20 ans de la Jirs, Nicolas Bessone, actuel procureur de Marseille, interrogé sur ces connexions corso-marseillaises avait indiqué : « Ce n’est pas tout à fait nouveau (…) Avec la police judiciaire, évidemment, nous suivons ces évolutions avec attention et il est évident qu’il faut éviter ce type de connexion ».

Ce transfert dans le Pas-de-Calais ne répondrait-il pas à cette logique ?

À nouveau renvoyé devant la justice pour deux affaires distinctes, dont une aux assises de Corse-du-Sud

Le 17 juillet dernier, la Jirs de Marseille à rendu une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Marseille dans une affaire d’association de malfaiteurs en vue de commettre un crime. Yassine Akhazzane, toujours sous mandat de dépôt dans cette affaire, et sept autres personnes devraient être jugés avant janvier 2026. Pour rappel, au début du mois de janvier 2021 trois hommes avaient été arrêtés sur la commune d’Alata au niveau du rond-point d’Afa. Ils avaient été extraits manu militari de véhicules volés à bord desquels des armes, des munitions et d’autres éléments matériels avaient été récupérés par les enquêteurs. À l’époque des faits, plusieurs sources affirmaient que le commando était sur le point de commettre un acte criminel.

Un autre document, cette fois rédigé par un magistrat ajaccien, renvoie Yassine Akhazzane devant une autre juridiction de jugement : la cour d’assises. Le Proprianais devra s’expliquer sur l’incendie criminel ayant détruit la terrasse de l’hôtel le Bella Vista à Porticcio en juillet 2021. La complicité reprochée à Yassine Akhazzane est reconnue par ce dernier qui est actuellement libre dans ce dossier.