Dans le microcosme politique de Rennes 2, c’est un évènement. Incontournable depuis 2015, l’Union Pirate (appelée Armée de Dumbledore à ses débuts) enregistre un net recul aux élections étudiantes d’avril. Le syndicat a perdu 16 points par rapport au dernier scrutin de 2023. Certes, avec 47 % des voix et trois sièges de représentants sur six au conseil d’administration, l’UP reste la première organisation du campus. Mais l’érosion est indiscutable pour ce qui est devenu une pouponnière de la France Insoumise – plusieurs collaborateurs parlementaires ont été formés dans ses rangs et l’un de ses militants est même suppléant de la députée Marie Mesmeur.
L’organisation, dont les drapeaux mauves fleurissent dans les manifestations rennaises, est-elle en passe de se faire doubler sur sa gauche ? Une concurrente vient en tout cas de réaliser une percée. Son nom : le Poing levé, qui présentait une liste pour la première fois. Avec 30 % des voix, elle parvient à décrocher deux sièges au conseil d’administration. La liste « apolitique » et opposée aux blocages est quant à elle arrivée dernière, avec 23,5 %.
Faire de Rennes 2 « un rempart » et « une tranchée »
Ce petit tour de force – malgré une participation de 19 %, traditionnellement faible aux élections étudiantes – a de quoi donner quelques sueurs froides à la présidence de l’université. Elle a déjà maille à partir avec les quelques centaines de militants – sur 70 000 inscrits – qui mettent régulièrement la fac en ébullition, entre assemblées générales, blocages et, parfois, occupations. Le nouveau venu n’a pas l’intention de chercher des compromis.
Peu connu du grand public, le Poing levé est l’organisation de jeunesse de Révolution permanente, un mouvement trotskiste issu d’une scission en 2021 au sein du NPA, le parti d’Olivier Besancenot et de Philippe Poutou. Aperçu de son positionnement dans le texte se félicitant de son résultat rennais sur Instagram : « Nous sommes déterminés à lutter au quotidien pour faire de Rennes 2 un rempart contre les idées d’extrême droite, mais aussi une tranchée dans la lutte contre le projet que nous réservent Macron et les présidences de fac ! »
Les dégradations, « un faux débat » pour le Poing levé
Erell Duclos, l’une des deux fraîchement élus, en dit plus : « On veut animer à Rennes 2 les combats qui mobilisent la jeunesse, notamment la précarité, la casse des universités, la lutte contre le génocide à Gaza et la marche à la guerre que nous promet le gouvernement. » La militante reconnaît des causes communes avec l’Union pirate. Mais appuie sur des divergences importantes à ses yeux entre les deux mouvements d’extrême gauche : l’organisation majoritaire s’investirait trop dans ces conseils d’administration « antidémocratiques » et pas assez dans les mobilisations étudiantes.
De quoi conforter un peu plus la réputation de « Rennes 2 la rouge », théâtre ces derniers mois de plusieurs blocages lors du mouvement contre l’austérité dans les universités. Des méthodes qu’Erell Duclos ne conteste pas. « Tout moyen de lutte des étudiants est pertinent. Après, il faut aussi réfléchir à entraîner le plus grand nombre dans la mobilisation, alors que la présidence et le gouvernement ont mis en place de nombreux freins ». Quant aux dégradations commises lors de deux occupations, chiffrées à 400 000 €, l’élue étudiante relativise. « C’est un faux débat. Les sommes avancées ne représentent rien face aux dégradations des universités causées par les gouvernements successifs et mis en place par les présidences. »