Chiara Benzi et Yann Delord, nos coups de cœur de la semaine, explorent le monde comme la nature humaine. La première nous propose une plongée dans l’étrange tandis que le second nous invite à flâner avec lui au fil de ses voyages.
Traversée par la dichotomie, l’œuvre de Chiara Benzi se place sous le signe de l’ambiguïté. Diplômée du Centro Sperimentale di Fotografia Adams à Rome, l’artiste italienne est repérée en tant que « FRESH EYES talent » par le GUP Magazine et comme l’un des « New Talents 2021 » par le Photographic Exploration Project. Et pour cause, son travail – mêlant photographies et archives retouchées – fascine : à la fois inquiétant et attirant, l’univers créé par la plasticienne révèle aux spectateur·ices ses propres ambivalences. Particulièrement tactiles, ses images dévoilent des corps en tension ou contraints, des yeux perçants de reptiles, des insectes à la texture rebutante. Pourtant, impossible d’en détourner le regard, qui est comme happé par l’atmosphère dangereuse et envoûtante des clichés. Et c’est précisément l’effet que semble rechercher l’autrice. Explorant, à travers son œuvre, « la relation complexe entre douleur et plaisir, […] douceur et dureté, désir et peur, attraction et répulsion », elle reproduit en nous cette même dualité.
On retrouve ce caractère double dans sa série Endure, où humain et bête fusionnent. Elle y interroge les liens qui unissent l’homme à son environnement et l’endurance du corps, qu’elle transpose au sein de la nature. Ainsi découvre-t-on une femme se transformant en plante, en animal ou retournant à la terre. Donnant vie à un fantasme, Chiara Benzi nous livre « la part la plus lubrique, la plus dégoûtante et vulnérable d’[elle-même] ». Particulièrement intime, le projet s’appuie sur les doubles sens qui l’imprègnent pour créer des ponts entre « le personnel et le collectif, l’introspection et la connexion ». C’est bien grâce au pouvoir de l’imagination, stimulée par cet aspect équivoque, que l’artiste parvient à relier entre eux les êtres vivants, le public et son œuvre, le familier et l’étrange.