« Réveiller les animaux disparus », tel est le thème de l’exposition temporaire organisée par l’université de Rennes, le laboratoire Géosciences et le musée Mathurin Méheut, dans le haras de Lamballe. À travers cet évènement, on découvre le décor de l’Institut de géologie de la faculté des Sciences de Rennes, peint par Mathurin Méheut et sa complice, Yvonne Jean Haffen.

Ce cycle décoratif, réalisé entre 1942 et 1947, et classé au titre des monuments historiques, est aujourd’hui considéré comme un trésor. Composé de 25 toiles de grands formats pour un total de 132 M2, il prend place dans une histoire mêlant science et art. Il fut commandé par Yves Milon, doyen de l’université, résistant et futur maire de Rennes, à l’époque où les élus étaient des grands hommes érudits et cultivés.

Ce travail a accéléré la dinomania !

Voué à être à la fois pédagogique et esthétique, cet ensemble se décline en plusieurs thèmes : faune et la flore disparues, les paysages géologiques et l’artisanat. Mais le musée a choisi de dévoiler plus les toiles des animaux disparues : diplodocus, ptérodactyles, ichtyosaures et mammouth. « Ce ouvrage conjoint entre artistes et scientifiques a fait naître une nouvelle discipline, le paléoart, que le musée a tenu à  mettre en évidence », explique le conservateur. « Sans en avoir l’intention, Mathurin Méheut et Yves Milon inscrivent leur décor dans l’histoire de la paléontologie et du paléoart, notamment par le choix des espèces. »

Dans son œuvre, Mathurin Méheut a toujours recherché l’exactitude. « Il est un besogneux, il préparait ses projets de façon appliquée, n’hésitant pas à multiplier les sources et à aller sur le terrain. Pour les paysages, avec Yvonne Jean-Haffen, ils vont se rendre, malgré la Seconde Guerre mondiale, sur les côtes et dans les terres bretonnes. » Même souci d’exactitude avec les animaux préhistoriques. « Méheut travaille au Museum d’histoire naturelle de Paris ainsi qu’au Zoo de Vincennes. Il questionne de nombreuses fois Yves Milon qui lui fait parvenir des documents scientifiques, notamment, un Livre de 1925 d’Othenio Abel richement illustré de reconstitutions d’artistes divers. »

Mathurin Méheut s’inspire de paléoartistes célèbres tels que Charles R. Knight et Édouard Riou. Toutefois, il crée aussi une vision unique, marquée par son propre style. Pour réaliser ses animaux disparus, Mathurin Méheut croise son expérience en tant qu’illustrateur d’ouvrages animaliers avec les informations fournies par Vves Milon. « Les ptérodactyles sont assez fidèles, malgré leurs ailes représentées à tort comme celles des chauves-souris. Les ichtyosaures, bien qu’ayant des défauts anatomiques aux nageoires et à la queue, restent globalement corrects. En revanche, le cannibalisme relève d’une liberté artistique. »

Bien souvent, Mathurin Méheut prend des libertés. « Il peint les ptérodactyles au repos, alors qu’ils sont traditionnellement montrés planant dans le ciel.

Son œuvre s’inscrit dans une tradition de figuration des animaux préhistoriques, associée à des scènes de violence pour accentuer leur caractère menaçant et spectaculaire. Représentés par Mathurin Méheut, les dinosaures venus d’Amérique disposent de dimensions impressionnantes. « C’est la pièce maîtresse et la seule représentation de dinosaures du décor. Ces géants herbivores sont choisis par Yves Milon, car ils sont un grand classique de la paléontologie. Pourtant, les deux seuls spécimens de diplodocus complets et considérés comme valides ont été retrouvés en Amérique du Nord.”

Dans cette expo, on se plaît à rêver d’un Mathurin Méheut un brin méditatif dans les rues de Paris avec sa palette de couleurs. « Demain je vais au Muséum, refaire quelques croquis de squelette du Diplodocus pour l’avoir bien en main (façon de causer) avant de commencer cette grande tartine. » Pour plus de renseignements.