1.700 logements de Rouen sont recensés sur les plateformes de location de meublés touristiques, type Airbnb. Un chiffre en augmentation, qui inquiète les habitants de certains quartiers. La mairie se dit préoccupée mais impuissante pour le moment à encadrer le marché.

C’est un phénomène qui commence à indigner, à poser des questions dans certains quartiers de Rouen : avec l’augmentation du tourisme dans la ville, les appartements meublés loués pour de courtes périodes, sur des plateformes type Airbnb, se multiplient. Les propriétaires y voient un moyen de maximiser leurs gains, en touchant en quelques jours ce qu’ils percevraient en un mois. Plus de 1.700 logements sont recensés sur Airbnb à Rouen, selon le site spécialisé AirDNA, qui évoque un gain moyen de plus de 11.000 euros par an dans notre ville.

Ce qui interpelle quand on se promène dans le quartier entre la gare et la rue Beauvoisine, ce sont ces boîtes à clés, parfois deux, trois, quatre pour un seul immeuble, accrochées aux grilles ou vissées près de la porte d’entrée. « Au début, je me demandais ce que c’était », raconte Louisa, qui vit dans le haut du quartier, au-dessus de la place Beauvoisine. « Finalement, un jour, j’ai vu quelqu’un s’en servir. Je lui ai demandé tout simplement. Elle m’a répondu que c’était pratique pour les gens, pour y trouver directement la clé pour entrer dans leur future location. »

Ici, en remontant vers la gare, les boîtes à clés sont à l'arrière de l'immeuble, fixées à même le mur Ici, en remontant vers la gare, les boîtes à clés sont à l’arrière de l’immeuble, fixées à même le mur © Radio France – Emmanuel GrabeyDormir, prendre un petit-déjeuner et partir

Le problème, c’est que ces locations de courte durée peuvent être source de nuisances. « J’ai eu des déboires avec des prostituées, avec des hommes qui venaient faire… enfin je sais pas mais c’était un peu tendu l’ambiance », témoigne Dom, commerçante et habitante du quartier depuis quinze ans. « Et quand j’ai dû trouver un autre appartement pour moi, je me suis rendue compte que c’était devenu très difficile. Ça fait peut-être vivre le tourisme, mais notre rue commence à perdre de son âme. »

Et puis surtout, cette clientèle de passage ne fait pas vivre le commerce, déplore Alain, antiquaire dans le bas de la rue. « Ils arrivent le soir vers 18h ou 19 h, et le matin à 8h ou 9h, ils repartent. Ils viennent là pour dormir, prendre un petit déjeuner et partir. »

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Contactée, la mairie de Rouen se dit préoccupée par la multiplication de ces meublés touristiques. Mais elle n’a, dit-elle, aucune arme juridique pour juguler le phénomène pour l’instant. « On n’est pas considéré comme une zone en tension [immobilière] », explique Christine de Cintré, la conseillère municipale de Rouen en charge du tourisme et présidente de l’office du tourisme. « Il y a des zones en tension, Marseille, Paris, La Rochelle… Il existe des outils juridiques pour ces zones-là. Mais comme on n’en fait pas partie, on ne peut pas se servir de ces outils. Par contre, on est en attente d’une loi qui va nous permettre de limiter le nombre d’ouvertures de ces logements. C’est la loi Le Meur, elle est déjà passé devant l’Assemblée nationale, et on attend qu’elle soit promulguée, parce qu’on a constaté une augmentation qui nous préoccupe, on veut être attentifs à ce quartier de la rue Beauvoisine et des petites rues qui remontent vers la gare. Là, il y a une augmentation qui est en effet notable. Donc dès que la loi nous le permettra, on va faire en sorte de limiter le nombre de logements qui sont mis sur Airbnb. »

La loi offre également des outils de régulation pour les zones touristiques, comme Dieppe ou Étretat, mais Rouen n’en fait pas partie non plus.

Cas extrême à Rouen : cet immeuble du bas du boulevard des Belges où quatorze boîtes à clés (deux sont hors-champ) sont accrochées à l'entrée. Cas extrême à Rouen : cet immeuble du bas du boulevard des Belges où quatorze boîtes à clés (deux sont hors-champ) sont accrochées à l’entrée. © Radio France – Emmanuel Grabey