Au marché des Lices, on l’appelle « Monsieur miel ». Depuis 2004, Jérôme Meslé promène sa silhouette imposante et son regard doux dans la halle du plus grand marché rennais, chaque samedi, pour vendre son miel qu’il confectionne depuis Gahard, à 30 km au nord de Rennes. « J’ai repris après mon oncle qui, lui, avait pris la suite de mon grand-père. »

L’histoire de l’apiculteur et de sa famille est indissociable de celle du marché. « Je sers des gens aujourd’hui que mon grand-père servait quand il a débuté sur le marché dans les années 1950. C’est beau », raconte l’apiculteur. Économiquement, le marché des Lices représente « presque un tiers de ma semaine en termes de chiffre d’affaires. C’est notre locomotive et le point d’orgue de notre semaine. » En une journée au marché du centre-ville, il peut écouler jusqu’à 180 kg de miel. « Il ne faut pas avoir fait une nuit blanche la veille des Lices », rigole-t-il.

« Certains clients m’achètent 50 kg de miel par an »

Présent également dans les autres grands marchés de la capitale bretonne et dans plusieurs de la métropole, Jérôme Meslé l’avoue, celui des Lices a permis l’essor de son entreprise. « C’est énorme économiquement ». De 300 ruches en 2004, il en possède aujourd’hui un millier, dont certaines à Rennes, au parc des Gayeulles et à Bréquigny. « Le miel de Rennes est très bon, contrairement à ce qu’on pourrait penser », rappelle-t-il. Miel de fleurs de printemps, d’été, de sarrasin, il propose également du pain d’épices, du nougat, de l’hydromel ou encore des savons au miel.

« À Rennes, le rapport des gens au marché est différent, il y a un vrai attachement aux producteurs. En France, la consommation moyenne de miel par an, c’est 500 g. Aux Lices, certains clients m’en achètent 50 kg par an. Ils viennent toutes les semaines avec leur pot à remplir. Je compte pour certaines personnes ». Sa renommée sur le marché des Lices lui vaut parfois d’être reconnu dans la rue ou dans une file d’attente au cinéma. « Au début, je me faisais tout petit, mais maintenant, avec les années, j’assume un peu plus. Pour eux, je représente le producteur de miel qui résiste malgré les aléas. »

En 2024, il a pensé à tout envoyer balader

Et des aléas, il y en a eu, surtout ces dernières années. Mauvais temps ou canicule, frelons asiatiques, pesticides, « l’époque où tout était facile est terminée. Ces quatre dernières années, j’ai connu les deux extrêmes. J’ai fait ma meilleure saison en 2022 avec 25 kg de miel par ruche, mais aussi les deux pires, en 2021 avec 7 kg à la ruche et en 2024 avec 5 kg, à cause du mauvais temps. On a même eu des famines dans les ruches ».

Après 2024, Jérôme Meslé le concède, il a failli tout arrêter. « C’était décourageant. Mais des clients prennent des nouvelles, nous disent de ne pas lâcher. Et je vois des jeunes que j’emploie être motivés par ce métier, alors je ne renonce pas. J’ai 15 ans de projet devant moi. » Le projet en question ? Une pépinière d’arbres mellifères (c’est-à-dire ceux qui peuvent produire du nectar et du pollen, la nourriture préférée des abeilles, et la substance de base pour la fabrication du miel) sur son domaine. « Le changement climatique a un impact sur mes abeilles, alors je dois faire preuve d’initiative pour leur permettre de survivre ». Et continuer à régaler ses clients des Lices pendant encore 20 ans.