Strasbourg (France), correspondance particulière.

Devant le Parlement européen, près de 80 cyclistes manifestent après avoir parcouru 1 400 kilomètres à travers la Slovaquie, la Hongrie, l’Autriche et l’Allemagne depuis la… Serbie. Pourquoi ? « Nous ne demandons pas seulement une enquête qui révèle tous les documents qui permettraient de comprendre la tragédie de Novi Sad. Nous essayons de faire connaître la situation catastrophique de la démocratie en Serbie, afin d’améliorer la situation de notre pays », explique Veljko arrivé à Strasbourg mardi soir. Ce périple, cet étudiant l’a imaginé avec d’autres pour dénoncer la corruption en Serbie.

Le pays est secoué par des protestations massives et sans précédent depuis cinq mois. Le point de départ de ce mouvement est l’effondrement le 1er novembre de l’auvent en béton de la gare de la deuxième grande ville du pays, Novi Sad qui a causé la mort de 16 personnes. Ce périple a été lancé pour relayer à l’extérieur de leur pays ce mouvement qui dénonce aussi le régime d’Aleksandar Vucic, le président nationaliste et pro-européen de la Serbie depuis 2017.

Un réveil porté par la jeunesse

Après avoir passé les 20 premières années de sa vie en Serbie, Maria Givony qui a connu le régime de Milosevic et les bombardements de l’OTAN sur Belgrade est venue les soutenir. « Le fait qu’il y ait eu des morts innocents a provoqué une étincelle. On est certain qu’il y a derrière cette catastrophe des choses qui sont révélatrices de ce que sont la société et le gouvernement en Serbie », analyse-t-elle. « Il y a un réveil porté par la jeunesse qui a secoué les citoyens qui jusque-là trouvaient légitime les gens en poste, bercés par de constantes fraudes d’une élection à l’autre », ajoute Maria Givony qui s’est installée en France comme chef de projet en recherche clinique.

Tous les observateurs qui suivent les manifestations en Serbie constatent que le mouvement de protestation est sans précédent. « C’est la première fois que ce type de protestation arrive. On a toujours eu en Serbie des problèmes contre lesquels les gens ont lutté, mais jamais comme actuellement. Les étudiants entraînent massivement les autres personnes qui veulent les rejoindre. Les images que je fais dans les manifestations le montrent », constate Goran Filipas, réalisateur de documentaires.

Natacha Kovacev, journaliste serbe est venue suivre la mobilisation de Strasbourg. « Les gens se sentent de plus en plus concernés et les soutiens aux étudiants grandissent chaque jour. Au début les protestataires avaient quatre exigences envers le gouvernement : la publication de tous les documents sur la rénovation de la gare et la garantie que les personnes qui avaient attaqué les manifestations seraient jugées. Maintenant nous sommes passés à six exigences et aucune n’est satisfaite », constate-t-elle.

Une érosion des valeurs démocratiques

La contestation s’élargit à d’autres secteurs d’activité jugés être aux mains du régime d’Aleksandar Vucic. Mardi, des étudiants ont bloqué le bâtiment de la radio-télévision publique de Belgrade pour protester contre la manière dont les médias d’État avaient rendu compte du voyage à vélo des étudiants vers Strasbourg.

Dans une lettre adressée au président français Emmanuel Macron, les manifestants de Strasbourg expliquent qu’ils veulent attirer l’attention de la communauté internationale sur l’érosion profonde des valeurs démocratiques en Serbie. « Nous habitons dans un pays où les institutions ne protègent plus leurs citoyens, mais profitent à un tout petit cercle qui détient le pouvoir, où les médias sont sous contrôle, où les élections sont corrompues, et où toute opposition est marginalisée et l’objet d’attaques permanentes ».

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