Mais voilà, alors qu’approche la fameuse échéance, rien ne semble avoir bougé. Au contraire, la rhétorique russe s’est durcie ces derniers jours à l’égard des Etats-Unis. L’ex-président russe, Dmitri Medvedev – connu pour ses menaces et attaques toujours plus provocatrices – s’en est directement pris au président américain. Ce à quoi Trump a répondu en déployant deux sous-marins nucléaires « dans des zones appropriées ».
Encore une fois, au Kremlin on reste de marbre. Surprenant ? Pas forcément, selon le journaliste russe Mikhaïl Zygar, qui collabore notamment avec Der Spiegel. « À Moscou, personne n’a pris l’ultimatum de Donald Trump au sérieux », détaille-t-il dans les colonnes du New York Times. « Après avoir résisté à plus de trois ans de sanctions, le Kremlin estime pouvoir gérer tout ce qui lui sera imposé. »
Un Ukrainien raconte le sordide rituel des Russes: « Des êtres humains ne font pas ce genre de choses. Ce sont des créatures de l’enfer »« Vladimir Poutine se fiche éperdument de voir Donald Trump prendre ses distances »
Vladimir Poutine est le premier à mettre en doute les déclarations de son homologue américain. Pour l’observateur, le président russe a complètement changé son fusil d’épaule au sujet de Donald Trump. « Selon des sources proches du Kremlin auxquelles j’ai parlé, Poutine a conclu que négocier avec les États-Unis n’avait aucun sens et que le compromis était inutile. (…) Trump a peut-être pris ses distances vis-à-vis de Poutine, mais ce dernier s’en fiche éperdument. »
Le maître du Kremlin aurait ainsi réalisé que son interlocuteur à la Maison-Blanche pourrait très vite changer. « Selon mes sources, il estime que toute administration américaine est, par définition, temporaire – et donc que tout accord avec elle est dénué de sens », a poursuivi Mikhaïl Zygar. « Trump est au pouvoir aujourd’hui, mais il pourrait ne plus l’être dans trois ans. Les relations personnelles ne comptent plus. Pour Poutine, il n’est plus possible de construire une relation de travail avec les Etats-Unis. »
L’élite russe, se calquant sur son président, ne s’inquiète donc pas face aux menaces du locataire de la Maison-Blanche. Prises à la légère, les déclarations américaines sont même moquées dans les couloirs du Kremlin. Mais ce « délire » ne manque pas d’inquiéter le journaliste russe. Toujours dans les colonnes du New York Times, il rappelle la situation critique dans laquelle se trouve son pays, notamment sur le plan économique. « Et pourtant, les dirigeants russes s’accrochent à la conviction que rien ne peut leur faire de mal. (…) Mais ivres de propagande, inconscients des risques à venir, Poutine et l’élite russe pourraient bientôt se retrouver face à un choc désagréable. »
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Interrogé par La Libre, Tanguy Struye, professeur de relations internationales à l’UCLouvain et chercheur associé à l’Institut Egmont, est également plutôt pessimiste face à l’issue de cet ultimatum. « Je ne vois pas en quoi les Russes vont changer d’avis. (…) Mais tant qu’il n’y a pas une plus grande aide de la part des Américains et des Européens évidemment, et tant que la Russie ne réalise pas qu’elle ne peut pas gagner ou ne peut plus avancer, je crains qu’ils nous baladent dans les négociations. »
Pour l’expert, de nouvelles sanctions contre la Russie ne seraient donc que peu effectives pour la pousser à la table des négociations. « Il y a déjà tellement de sanctions imposées à ce pays, même du côté américain, qu’il ne va pas y avoir vraiment de nouvelles possibilités », conclut-il. « La nouvelle donne qui pourrait changer les choses, mais qui pourrait aussi amener de nouvelles tensions au niveau commercial, c’est d’imposer ce qu’on appelle les sanctions secondaires qui toucheraient des pays comme l’Inde et la Chine. Ces nations importent, entre autres, du gaz et du pétrole de la Russie. De telles sanctions impacteraient donc l’économie russe. Mais ça sous-entend de créer de nouvelles tensions avec des pays comme la Chine, avec qui les Américains sont en pleine négociation commerciale, et avec un pays comme l’Inde, dont ils ont besoin pour contrer la Chine en Asie-Pacifique. »