Incontestablement, le projet de Bus à haut niveau de service (BHNS) de l’agglomération toulonnaise, prévu pour rouler entre La Seyne et La Garde en 2038, ne déclenche pas plus l’enthousiasme de la population que celui des experts. Chargée de s’exprimer sur l’utilité publique de ce dossier porté à bout de bras par la métropole TPM, la commission d’enquête désignée par le tribunal administratif (1) vient de rendre ses conclusions. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle se montre circonspecte, voire défiante. Certes, elle délivre « un avis favorable » à l’opération, mais ponctué de réserves. Explications.

Les « doutes » des commissaires enquêteurs

« Difficultés », « dilemme »… Ce n’est pas un avis tranché sur le « superbus » qu’ont rendu les commissaires enquêteurs en ce début août, après de longues semaines à étudier le dossier et à écouter les parties s’exprimer. « Si elle considère qu’il y a effectivement un intérêt général dans la mise en œuvre d’un nouveau moyen de transport en commun au regard des besoins de mobilité métropolitains, [la commission] émet des doutes sur la viabilité du projet en termes stratégique, de validation du concept et du choix du mode. « 

Puis, plus loin: « Si on ne peut nier l’utilité publique du projet, à défaut de l’absence d’une autre alternative après de longues années d’attente de la population, les effets de celui-ci ne semblent pas à la hauteur des défis attendus. La capacité d’emport du BHNS et l’ampleur de la restructuration du réseau de bus paraissent limitées, avec une faible capacité d’évolution dans le temps, au regard des besoins futurs liés au dynamisme de MTPM. »

Les recommandations des commissaires enquêteurs

La commission d’enquête dresse un certain nombre de recommandations à l’attention de TPM, dans l’espoir que l’intercommunalité amende sa copie. Parmi elles, on notera « une extension du tracé » jusqu’à l’entrée d’Ollioules. Les experts espèrent aussi que le maître d’ouvrage étudiera « l’augmentation du passage du BHNS en site propre pour tendre à 100% » (contre 70% envisagés, Ndlr),

Les enquêteurs soulignent par ailleurs leur souhait de voir la métropole proposer « une solution alternative pour conserver les 2 fois 2 voies au niveau du port de La Seyne » ou encore « un délai de mise en service du BHNS plus court que 13 ans, afin de répondre à l’attente forte de la population en matière de transports en commun et aux enjeux climatiques ».

Le tramway toujours au centre des débats

L’autre principale information de ces « conclusions », c’est que la participation du public, « importante », a confirmé un certain désamour des habitants pour ce projet acté en 2016 sous l’impulsion d’Hubert Falco. Sur les 536 personnes qui se sont exprimées, seuls 137 avis se montrent favorables au BHNS, quand 154 plaident pour un tramway.

Invitée à répondre, la métropole TPM a répété son argumentaire. Le « superbus » est moins cher qu’un tram tant en investissement (400 millions d’euros, ndlr) qu’en exploitation, « plus souple d’utilisation », « adapté aux besoins du territoire », tout aussi « écologique » qu’un véhicule sur rails, simple « composante d’une vision plus large »… Pour la collectivité, pas question de faire marche arrière sur le choix du mode de transport en site propre.

Et maintenant?

L’enquête publique achevée, il revient désormais au préfet, dans les prochaines semaines, de donner son aval ou non au projet, sous la forme d’une Déclaration d’utilité publique. Cette DUP permettrait à TPM de démarrer la première phase des travaux, prévue avant le 31 décembre 2025. Un délai impératif pour que la collectivité ne perde pas la subvention de 40 millions d’euros promise en 2021 par l’État.

C’est aussi cette DUP qui autoriserait les expropriations indispensables au passage du BHNS sur le tracé choisi. Or, là aussi, des incertitudes demeurent. Pour la réalisation du projet, l’acquisition de 118 parcelles supplémentaires pour une surface de 34.787m² reste nécessaire. Les commissaires enquêteurs relèvent que deux propriétaires, au moins, n’ont pas l’intention de se voir amputé d’un bout de terrain: les société Cnim à La Seyne et Cambridge, à La Garde.

 

1. Bertrand Nicolas (président), Marie-Chantal Nain et Philippe De Boysere sont les trois membres de la commission de l’enquête publique désignés le 20 mars par le tribunal administratif de Toulon.