Écrit par
Publié le05/08/2025 à 16h12
Le 5 août 2016, l’incendie dans le bar Cuba Libre à Rouen (Seine-Maritime) a coûté la vie à 14 jeunes. Neuf ans plus tard, les familles se battent toujours pour la mémoire des victimes et la sécurité dans les établissements de nuit. Témoignage.
La Quotidienne Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, recevez tous les jours les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter « La Quotidienne Société ». Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité
Le 5 août 2016, un terrible incendie ravageait la cave du Cuba Libre, à Rouen. Ce soir-là, une bougie d’anniversaire enflammait le sous-sol de l’établissement transformé en piste de danse. Les matériaux utilisés pour l’insonorisation étaient hautement inflammables, les travaux non déclarés, sans aucun contrôle de conformité en matière de sécurité. Quatorze jeunes y perdaient la vie.
Neuf ans plus tard, les familles n’oublient rien.
Dans l’incendie, Johnny Autin a perdu Mégane, sa fille de 20 ans. Elle faisait des études d’assistante sociale. Pour son père, sa fille unique était son repère, sa raison de vivre. Neuf ans plus tard, la douleur est toujours aussi intense.
« J’ai évolué. Les premières années, je suis tombé presque dans la folie, mais grâce à ma psychologue qui m’aide à comprendre les choses, j’évolue positivement, je suis plus serein, malgré la douleur », explique ainsi le père de Mégane.
C’est de plus en plus compliqué à la date anniversaire, je me dis que ça fait 9 ans que je n’ai pas revu ma fille.
Johnny s’est même accordé des vacances, pour la première fois depuis le drame. « Ça faisait 9 ans que je n’étais pas sorti de chez moi. Aujourd’hui j’arrive à m’accorder des soirées avec des amis, j’arrive même à rire, mais je culpabilise. »
Cet ancien éducateur sur les chantiers d’insertion est toujours en arrêt maladie. Sous traitement depuis neuf ans, il n’est pas en capacité de reprendre le travail.
Aujourd’hui, il continue d’entretenir la mémoire de sa fille en se recueillant sur sa tombe. « J’y vais trois fois par mois. Y penser, c’est dur, être devant la stèle, voir ces dates inscrites sur le marbre, c’est difficile. »
On ne s’en remet pas et je ne veux pas m’en remettre, ça voudrait dire oublier.
Le papa de Mégane, victime de l’incendie du Cuba Libre, se recueille sur la stèle de sa fille.
•
© France 3 Normandie
Johnny ressent toujours de la colère envers les gérants de l’ancien établissement. Lors du procès, les familles apprendront grâce à l’audition des pompiers que les gérants leur avaient menti notamment sur l’issue de secours qui était fermée à clé. « Nous avions le matériel et le temps nécessaire pour sauver tout le monde », aurait déclaré l’un d’entre eux, selon le père de Mégane.
Ces mots résonnent encore aujourd’hui. « Pourquoi ils ont menti aux pompiers, pourquoi ils ne l’ont pas fait ? Cette question est dans notre esprit, on n’aura jamais la réponse, c’est intolérable ! Ils n’ont pas voulu le décès de nos enfants volontairement mais ils n’ont pas voulu les sauver volontairement. »
Johnny Autin nous rappelle que c’était un lieu inadapté, non conforme et clandestin.
« La justice n’a pas fait son travail. Ils n’ont pas été condamnés à la hauteur de l’acte qu’ils ont commis », lance Johnny Autin. Ce dernier aimerait que la peine pour homicide involontaire avec circonstances aggravantes soit plus conséquente (elle est actuellement de 5 ans).
Ils avaient été condamnés à 5 ans d’emprisonnement dont 3 ans ferme. Finalement, les gérants du Cuba Libre à Rouen n’auront fait que quelques mois de détention. Ils avaient bénéficié d’une libération anticipée et étaient sortis de prison le 12 janvier 2021.
Au-delà du procès, Johnny déplore l’absence de mesures concrètes pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise. « Au bout de 9 ans, rien n’a bougé, on avait espoir que les choses changent en matière de sécurité, ce n’est toujours pas fait. On va continuer à se battre. »
Si on réussit à changer la loi en matière de prévenion et de contrôles sérieux, ça, ce serait une petite victoire.
Johnny Autin, père de Mégane
Le père de Mégane réclame également plus de contrôles dans les établissements de nuit, « dans toute l’année, dans toute la France ».
« Après l’incendie, il y avait eu plus de contrôles dans les bars à Rouen, mais ça a duré un an ou deux pour satisfaire les familles. Ça m’aiderait beaucoup de changer les choses. »
Mégane et son petit ami Florian sont morts ensemble dans l’incendie du Cuba Libre le 6 août 2016.
•
© France 3 Normandie
Ce mardi soir à minuit, comme chaque année, un dépôt de fleurs et un moment de recueillement entre les proches des victimes se dérouleront devant la stèle érigée sur les lieux du drame.
La stèle en hommage aux 14 victimes du Cuba Libre, édifiée à l’automne 2018
•
© Sylvie Callier
« Tous les ans, on vient se recueillir, ça fait 9 ans qu’on fait comme ça, on dîne ensemble, on se rend sur le lieu vers 23h45 et on y reste une bonne heure. »
2026 marquera les 10 ans de l’incendie, les familles réfléchissent à un évènement pour « marquer le coup », indique Johnny Autin. « Pour que ça ne tombe pas dans l’oubli, pour qu’un tel drame ne se reproduise pas ».