Dans la cathédrale fraîchement rénovée, les coups de burin vont laisser place aux chants, et l’obscurité à la lumière des cierges. Les cloches, muettes depuis cinq longues années, pourront à nouveau résonner dans tout le centre-ville. La fête s’annonce grandiose. Mais si à Nantes, nombreux sont ceux qui partagent l’impatience de la réouverture, ils n’ont pour autant pas oublié ce jour pas comme les autres du 18 juillet 2020.
L’incendie de la cathédrale avait suscité de nombreuses réactions dès les premières heures. Le diocèse, qui avait rappelé sa mission « d’église mère » rassemblant tous les fidèles nantais. Même les élus locaux, en premier lieu la maire socialiste, Johanna Rolland, a mis en avant « l’attachement affectif des Nantaises et des Nantais » à ce lieu. Pour les plus anciens du quartier, le fantôme de l’incendie accidentel en 1972 est encore dans les mémoires. Pour les plus jeunes, ce sont les images du drame de Notre-Dame de Paris, un an plus tôt, qui reviennent.
« C’est un emblème pour tous les Nantais »
*Marie, habitante du pays nantais, se souvient avec émotion des images de l’incendie. La jeune femme était en pleure le matin du drame. Mais au-delà de la tristesse, elle confie éprouver une certaine incompréhension sur la durée des travaux de restauration. L’incendie qui a ravagé le grand orgue du XVIIᵉ siècle, la verrière ouest de 1498 et plusieurs œuvres d’art, causant des dégâts estimés à plus de 40 millions d’euros, a donné lieu à une longue rénovation marquée par la dépollution, l’analyse des pierres, puis depuis fin 2023, la restauration du chœur et du transept sud. Et effectivement, le calendrier de réouverture a pris du retard, repoussée d’un an, notamment à cause de constats beaucoup plus lourds que prévus.
Marc, qui habite actuellement un appartement en face de la cathédrale, est un Nantais parmi d’autres. Il raconte le souvenir de l’incendie survenu en 1972, auquel il avait assisté depuis le cours Cambronne. Les beaux souvenirs remontent également. Comme les concerts d’orgue qui se déroulaient dans la cathédrale gothique avant la fermeture. « L’incendie a été une grande souffrance », témoigne-t-il, atteint personnellement par le drame. « Chrétien ou non, c’est un emblème pour tous les Nantais, à l’image de Notre-Dame de Paris pour les Français », partage le Nantais qui fait part d’une « grande injustice », appuyée par les circonstances particulière de la tragédie. L’incendie criminel a été provoqué « par quelqu’un qui avait été hébergé, recueilli par l’Eglise, et qui a mordu la main qui l’a nourri. (…) Non seulement il a détruit notre cathédrale, mais il a aussi détruit une vie humaine ».
Un incendie criminel, un suspect condamné
Les faits sont têtus. Marc fait référence au migrant rwandais, Emmanuel Abayisenga, bénévole du diocèse chargé de la fermeture de l’édifice, condamné à quatre ans de prison ferme en 2023 pour l’incendie. Il est depuis interné dans un hôpital psychiatrique en attendant un second procès. Le suspect est accusé du meurtre d’Olivier Maire, un prêtre de la congrégation des Frères montfortains, commis en août 2021 à Saint-Laurent-sur-Sèvre, en Vendée. Remis en liberté sous contrôle judiciaire, Emmanuel Abayisenga avait été recueilli par la congrégation avant d’être à nouveau interné.
« Le fait que l’incendie ait été d’origine criminelle a donné à l’événement une tonalité tout autre ». Morvan, étudiant à l’université de Nantes, parle d’un discours de déresponsabilisation et d’infantilisation de la part de la défense. Un discours qui, comme il allait le découvrir dans son parcours de jeune adulte, était en odeur de sainteté. « Cette cathédrale incendiée était devenue le signe d’une décorrélation des actes et de leurs conséquences », selon l’étudiant en histoire arrivé à Nantes à la rentrée scolaire 2020, et n’a connu que les grilles fermées de l’édifice. « Je me suis donc doucement résigné, dans une forme d’attente silencieuse, impatient de (re)découvrir un patrimoine sauvé, mais aussi déçu de ne pas pouvoir découvrir celui qui a disparu », confie ce passionné du patrimoine.
Un chantier à 32 millions d’euros débloqués par l’Etat, propriétaire de la cathédrale. A sa réouverture, annoncée le 29 septembre prochain, le public pourra accéder au chœur, au transept sud et à des bas-côtés, via les portes latérales — l’entrée principale restera quant à elle fermée. La façade ouest (le massif occidental), encore bardée d’échafaudages et le nouvel orgue attendront 2027 pour être à nouveau accessibles. Un concert sera donné le samedi soir, avec l’Orchestre National des Pays de la Loire, avant deux nouvelles représentations de musiques sacrés, le mercredi 1er octobre. Mais il faudra réserver sa place à partir du 1er septembre pour pouvoir y assister. En attendant, une exposition est annoncée pour le week-end des 20 et 21 septembre 2025, sur la palissade de chantier (place Saint‑Pierre), mettant à l’honneur l’intervention des pompiers durant le sinistre. Si pour certains il s’agira d’une découverte, il s’agit pour d’autres, du retour d’une silhouette incontournable de la cité nantaise.