Il y a quelque temps, on s’est intéressé aux années 2000 et aux années 90 en se posant une question : c’était quoi d’avoir 20 ans à ces époques quand on vivait à Strasbourg ? Eh bien on va encore remonter le temps… et plonger dans LA décennie de toutes les folies, certainement la plus culte de toutes. Dix années qui ont laissé des traces indélébiles dans la pop culture, qui font toujours rêver les plus jeunes et rendent souvent nostalgiques celles et ceux qui le sont un peu moins. Alors, n’oubliez pas votre cuir et votre Walkman, on embarque pour les années 80 !
Les années 80 à Strasbourg, ce n’est pas vraiment l’image que s’en font les jeunes générations grâce à Stranger Things. Alors bien sûr, les enfants vaquent en ville dans une indépendance qui suggère qu’ils et elles payent le loyer et l’abonnement France Télécom, mais bon : la moitié ont simplement été missionné(e)s par leurs parents pour acheter des Gauloises et se payeront le luxe d’un roudoudou ou deux avec la monnaie.
Du côté de celles et ceux qui paient vraiment le loyer (et fument les Gauloises), il y a les gens qui espèrent un autre demain, grâce au chemin ouvert par un « homme, rose à la main » (selon Barbara, par exemple). Et puis celles et ceux, plus sceptiques, qui ouvrent grand les yeux parce qu’on raconte que les chars rouges vont arriver à Paris, et puis bon : Strasbourg, c’est sur le chemin.
Ancienne carte postale de la place Kléber dans les années 80. © Auteur inconnu / Capture d’écran
En fait, c’est toute la marche du monde qui accélère. Michael, lui, marche en arrière et Renaud marche à l’ombre. On apprend les verbes « rembobiner » et bien vite « cohabiter ». On dit au revoir à John Lennon et « tchao » à Coluche, on s’émerveille devant la jeune Diana et on cherche Bébé, il parait qu’elle est dans le coin. On se trémousse sur l’Ouragan de Monaco, et on soupire de soulagement lorsqu’un nuage s’arrête à Kehl.
© GIFER / Gif d’illustration
Un peu plus tard, on racontera qu’au début des années 80, on se souvient des soirées, où l’ambiance était chaude et les mecs rentraient Stan Smith aux pieds, le regard froid. Et si on partait en soirée, justement ?
Magasin Connexion, rue des Francs-Bourgeois. © Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg / Capture d’écran
La Place to be, début de soirée
La petite aventure commence dans une Place des Halles toute neuve. Les gens se pressent sur le carrelage marron pendant que les haut-parleurs grésillent sur du Philippe Lavil. Tandis que certain(e)s tapent sur des bambous, d’autres tapotent les touches des téléphones dans les cabines du centre commercial.
Ici, on achète des disques chez Golden Nuggets, on se perd dans le BHV et on repart avec des babioles de chez Soho ou La Carterie. On déniche des pépites au Pier Import et on n’oublie pas de passer à la boutique de chewing-gums. Lorsqu’on lève la tête, on admire un globe qui semble léviter… et comme on ne regarde pas où on marche, on manque de cogner un gamin qui, après avoir gratté une tranche d’ « assortiment » à la boucherie Bernard, court comme si sa vie en dépendait pour monter dans le manège du rez-de-chaussée.
© Page Facebook « Strasbourg d’hier et d’avant-hier » / Captures d’écran
Il y a aussi l’incontournable McDo, symbole ultime de la classe à l’américaine. Il se raconte que c’est le premier en France (en fait pas vraiment, mais passons outre). Ils sont bien gentils les Américains, mais on reste quand même en Alsace… La déco partira donc sur des trompe-l’œil de paysages bien d’ici.
Et comme le McDo, c’est plutôt chic : le fast-food organise régulièrement des soirées aux chandelles qui font un carton auprès de la jeunesse strasbourgeoise.
© Page Facebook « Strasbourg d’hier et d’avant-hier » / Captures d’écran
Une fois un bon hamburger ingurgité, on s’envole pour les Aviat’ ! Malgré son ouverture toute récente, le bar connait un succès fulgurant. Michelle, la patronne, accueille les jeunes d’ici et d’ailleurs dans ce bar-discothèque résolument american. Pour avoir le privilège de se déhancher sous le regard des stars affichées au mur et de s’accouder au comptoir XXL, il faut être un minimum sapé : à la porte, Augustin est exigeant !
On s’aventure ensuite dans le quartier Gare, réputé malfamé. Il n’y a pas meilleur endroit que l’incontournable club rock « Le Bandit ». À la porte, Stéphane et Lucky. On monte finalement un escalier bien raide jusqu’au premier étage de cet ancien atelier de la rue de Bouxwiller, dont le Bandit partage le pallier avec un sauna gay.
Anciennes publicités Le Bandit. © lebandit.blogspot.com / Captures d’écran
Une fois à l’intérieur, on retrouve des jeunes crêpé(e)s ou arborant l’iroquoise, dont les regards brillent au contraste d’une quantité remarquable d’eyeliner et qui portent perfectos noirs et jeans délavés. L’équipe de Sanglot Production, qui gère le lieu, fait venir régulièrement des groupes qui vont du plus local (lors des soirées de l’APRA) jusqu’à l’international.
Bref, le Bandit n’a rien à envier au Hall Tivoli, au Hall Rhénus ou au Palais des Fêtes : lorsqu’on y danse, on sait déjà que 40 ans plus tard, on aura toujours un peu 20 ans en repensant à ces soirées.
Illustration Le Bandit. © Auteur inconnu – lebandit.blogspot.com / Capture d’écran
On poursuit la nuit en 205
La poursuite de la soirée laisse place à un choix qui implique diverses options… Il faut dire qu’à Strasbourg, les années 80 sont propices au monde de la nuit !
Les étudiant(e)s sont à l’Amphi 7 ou au K’vo ; mais on se déhanche aussi chez Mario à l’Apollo, au Turckheim, au Spartacus, à l’Old Tocson Saloon ou au Charlie’s, juste en dessous des Halles (plus d’informations dans l’article sur les années 90).
© Documents remis
Si on a une 205 sous la main, c’est souvent pour prendre la direction du Chalet et de ses fêtes XXL ! Là-bas, Jean-Claude Helmer orchestre les soirées les plus folles de la région… voire de toute la France, selon les habitué(e)s. On peut y voir les plus grandes stars comme Herbert Léonard, Céline Dion ou Mylène Farmer !
© Document remis
De retour au centre-ville, on ne peut pas louper le Studio 80 dans l’inquiétante Grand’Rue. Celle-ci est connue pour être le théâtre de nombreuses agressions, et de récents faits divers sordides finissent d’en signer la réputation.
Heureusement, on peut venir directement en voiture et se garer juste à côté du Studio 80. L’ambiance est rock à souhait, la programmation est diversifiée, dans l’entrée trônent des flippers, et sur l’écran qui surplombe la scène on projette des diapositives.
L’inscription « Studio 80 » en fer forgé orne toujours l’entrée du supermarché qui a remplacé la discothèque. © Jocelyne BOES – Wikimedia Commons / Photo d’illustration
On met la viande dans l’torchon
La fin de la nuit approche et la fête : ça creuse. Alors chacun(e) a ses préférences.
L’incontournable, c’est de marcher rapidement vers la place Kléber où La Fringale est un véritable phare dans la nuit. On y prend un américain ou un sandwich saucisse. Le snack fait carton plein chaque nuit et s’illustre comme la planche de salut des fêtard(e)s qui s’y présentent au petit matin avec le ventre vide.
Qu’il est difficile de retrouver une photo de la « Fringale » ! Sur celle-ci, on l’aperçoit sur la gauche. © Page Facebook « Strasbourg d’hier et d’avant-hier » / Capture d’écran
Certain(e)s préfèrent se diriger vers le quai Saint-Jean, où l’on trouve les meilleures merguez de Strasbourg. On les déguste alors au bord de l’eau pour gratifier les canards d’un peu de pain.
Les becs sucrés privilégient les boulangeries, dont certaines délivrent des viennoiseries aux fêtard(e)s directement par la fenêtre, comme c’est le cas dans la rue du Maire-Kuss.
Ancienne carte postale de la place Kléber au début des années 80. © Auteur inconnu / Capture d’écran
En rentrant à la maison, on passe par la place de l’Homme-de-Fer. Ah, on remarque que quelques collègues de fiesta ont commis leur méfait habituel… Quoique, pourrait-on plutôt parler d’œuvre ?
Comme souvent, certain(e)s ont fait usage de lessive en poudre, et de la meilleure des façons. Ainsi, un indicateur des plus fiables pour savoir que la jeunesse strasbourgeoise a bien fait la fête, c’est lorsqu’au petit matin, la fontaine de l’Homme de Fer semble bouillonner en projetant une mousse dense qui sent le linge propre.
Ancienne carte postale de la place de l’Homme-de-Fer. © Éditeur La Cigogne / Capture d’écran
En se couchant, on espère que la VHS a bien enregistré l’épisode de Dallas d’hier soir.
On repense tendrement à cette fille ou ce garçon, dont on est totalement morgane, et puis on s’endort en se disant qu’on pourra lui faire la cour en l’emmenant au cinéma voir Retour vers le Futur qui vient de sortir. Il parait que c’est vachement réaliste sur le 21e siècle. De toute façon, avec le Minitel, on est déjà dans le futur.