La nouvelle ne vous aura pas échappé : le circuit de Termas de Rio Hondo,
qui accueille la caravane du MotoGP depuis 2014, ne sera pas au
programme de la saison 2026. En revanche, l’Argentine devrait
normalement revenir au calendrier en 2024, sur le circuit Oscar y
Juan Galvez, en périphérie de Buenos Aires. Et c’est une très bonne
nouvelle, car c’est une destination ô combien historique pour notre
discipline. Voici pourquoi.
Le championnat du monde motocycliste a toujours accusé un peu de
retard face à sa cousine la Formule 1. Dès le début, le
développement des deux filières ne s’est pas fait à la même
vitesse. Que ce soit dans le professionnalisme, mais aussi dans la
prise en compte de l’aspect international. En 1950, les 500
miles d’Indianapolis comptaient pour le général en F1, même si
seulement les Américains y étaient représentés. Trois ans plus
tard, la Formule 1 se dotait d’un Grand Prix d’Argentine, premier
vrai rendez-vous international de l’histoire de la
discipline. Pour les deux-roues, il fallut attendre
encore un peu.
Marc
Marquez adore ce tracé. Photo : Michelin Motorsport
Créé en 1949, le mondial moto était on ne peut plus
centré sur l’Europe. La culture de la compétition sur
deux-roues était déjà très développée sur le Vieux Continent, même
si quelques Océaniens sont venus se bagarrer assez tôt. Ainsi,
durant les premières années, il fallait parler de championnat
d’Europe, qui, en plus, comptait moins de dix épreuves.
Pourtant, les choses changent à l’aube des années 1960, ce qui
est déjà relativement tard. L’Argentine, encore elle,
organise un Grand Prix qui ne compte pas pour le
championnat, comme c’était souvent le cas auparavant. À
Buenos Aires, l’événement fait son petit effet. Pour cette
raison, la saison 1961 est charnière dans notre histoire.
Déjà, en début d’année, l’ancien circuit hébergeant les 200
miles de Daytona est remplacé par le fameux speedway, qui
devient bientôt un lieu de passage mythique pour nos héros du
mondial. Et aussi parce que la FIM annonce le premier Grand Prix
hors du continent européen, en Argentine. Les organisateurs du
pays, avec le succès de 1960, ont vu leur candidature
acceptée. Pour des raisons logistiques, il est programmé à
la toute fin du championnat, afin que les équipes ne soient pas
pressées de retourner sur une autre course, et dans le but
d’attirer le plus de participants.
La saison se déroule pour le mieux, sans trop de suspens. En
500cc, Gary Hocking et
sa MV Agusta sont régulièrement devant un valeureux Mike
Hailwood, qui n’arrive simplement pas à rivaliser à la régulière.
En 350cc, la MV de Hocking est d’autant plus dominante, face
aux Jawa de František Šťastný et Gustav Havel, tous
deux tchécoslovaques. Les constructeurs japonais ont rendu les
petites catégories particulièrement intéressantes. En 250cc, tous
les tops-pilotes évoluent sur Honda,
mais « Mike the Bike » domine.
En remportant le titre en Suède, il devient le plus jeune champion
du monde. Finalement, tous les classements sont figés avant
l’Argentine. À moins que…
Ernst
Degner, une légende trop souvent sous-cotée.
En 125cc, la lutte fait rage. Nous sommes en plein
dans « l’affaire
Degner », un épisode crucial que nous avons déjà
raconté dans une autre rétrospective ; vous pouvez la retrouver en cliquant
sur cette phrase en surbrillance. Face à
l’Est-Allemand, Tom Phillis, australien et officiel Honda. Le
titre reste encore à disputer, avantage à Ernst Degner.
Quand les équipes officielles Honda arrivent sur le territoire,
ils se sentent bien seuls. L’Autódromo Municipal Ciudad de Buenos
Aires, désormais nommé Autódromo Juan y Oscar Gálvez, en
référence aux frères pilotes des années 1950, est un beau circuit.
Le complexe, situé en pleine ville (un fait assez rare pour être
remarqué), offre une dizaine de configurations différentes. Mais la
distance, les coûts liés à celle-ci et le manque d’enjeu eurent
raison des engagements. Seule la firme ailée est présente,
prête à offrir le sacre à Tom Phillis.
Bien évidemment, cette explication en 125cc est le sujet brûlant
– pardonnez le jeu de mot. Degner avait passé un contrat
avec la marque EMC pour juste une course après ses démêlés chez
MZ. Désormais sous licence ouest-allemande, il est bien
présent à Buenos Aires, mais sa machine n’arrive pas. Les
organisateurs lui proposent une Bultaco, car, eux-aussi auraient
aimé voir de l’action pour leur Grand Prix. Mais Ernst refuse, et
ne participe pas à la course. Phillis n’en demande pas
moins. Il s’impose, et remporte son seul et unique titre
de champion du monde. Aussi présent en 250cc, il gagne de nouveau
et s’offre un doublé. Les 350cc n’étaient même pas prévues, tout
comme les sidecars. Place à la 500cc !
Autant vous dire que l’intérêt pour cette course, dans les
travées, est proche de zéro. Du mondial, seul Frank Perris, un
privé, est présent. Face à lui, quelques talentueux locaux.
C’est Jorge Kissling, sur Matchless, qui s’impose pour sa
toute première sortie dans la catégorie. Il s’agit, par le
fait, de la première victoire d’un Sud-Américain en Grands Prix
motos. Seuls deux pilotes sont encore en course à
l’abaissement du drapeau à damier, c’est dire.
Certes, ce n’était pas la course du siècle,
mais le GP d’Argentine 1961 fut important pour la
physionomie du championnat. Reconduit en 1962, il vit désormais
plus de stars, et l’introduction du Grand Prix du Japon en
1963 propulsa définitivement le mondial dans une autre
dimension.
Connaissiez-vous l’histoire de cette
course ? Dites-le-moi en
commentaires !
Tom
Phillis, pierre angulaire du projet Honda, lui aussi souvent
oublié. Photo : ANEFO
Photo de couverture : Michelin Motorsport