Droits de douane –

Roche refuse de servir de levier face aux menaces américaines

Publié: 05.08.2025, 19h58Vue nocturne des deux tours Roche à Bâle, conçues par les architectes Herzog et de Meuron, éclairées avec d’autres bâtiments environnants.

L’administration Trump exige des grands laboratoires pharmaceutiques une baisse du prix des médicaments aux États-Unis. Roche, dont le siège est à Bâle, fait partie des entreprises concernées.

FABRICE COFFRINI/AFP

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  • L’entreprise pharmaceutique négocie directement avec l’administration Trump depuis plusieurs mois.
  • Le groupe prévoit d’investir 50 milliards de dollars sur le marché américain.
  • Malgré les tensions, Roche maintient ses prévisions de bénéfices pour 2025.

Les entreprises pharmaceutiques suisses doivent-elles réduire le prix de leurs médicaments aux États-Unis pour amadouer Donald Trump et permettre un accord dans le conflit douanier?

L’ancien ambassadeur Thomas Borer et le patron de Breitling, Georges Kern, partagent ce point de vue. Dans la «NZZ», le PDG est même allé jusqu’à annoncer que la Suisse était «prise en otage par l’industrie pharmaceutique».

L’idée a germé dans le monde politique. «Il est légitime d’imposer des conditions à la branche», a déclaré à «Blick» Barbara Gysi (PS/SG), présidente de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique au Conseil national. Le conseiller national Thomas de Courten (UDC/BL) refuse de se prononcer sur d’éventuelles baisses de prix. Mais lui aussi estime juste d’impliquer davantage l’industrie pharmaceutique, secteur clé de l’économie suisse.

Roche ne fait pas de concessions

Le géant pharmaceutique ne veut rien savoir. Selon deux sources proches de Roche, le groupe ne considère pas que les prix des médicaments américains entrent dans le cadre des négociations sur les taxes douanières. La menace d’un droit de douane de 39% n’aurait aucun lien avec les prix des médicaments américains. Il s’agit d’un autre sujet qui doit être négocié séparément. Roche dialogue déjà depuis longtemps directement avec l’administration Trump.

Officiellement, l’entreprise refuse de commenter d’éventuelles négociations avec le gouvernement suisse ou sa volonté de consentir à d’autres concessions. Une personne proche du dossier précise toutefois qu’«un affaiblissement de l’industrie pharmaceutique ne serait d’aucune utilité pour l’économie suisse».

C’est également l’avis de la conseillère nationale bâloise Elisabeth Schneider-Schneiter (Le Centre). Comme Thomas de Courten, elle fait partie du puissant lobby dans la Berne fédérale. Les prix des médicaments sont certes trop élevés aux États-Unis. Mais Trump a demandé à 17 entreprises pharmaceutiques de baisser leurs prix, et pas seulement à deux. «Si seules Roche et Novartis réduisent leurs tarifs, elles ne seront plus compétitives face à la concurrence étrangère», a déclaré la conseillère nationale.

À la suite de l’introduction des tarifs douaniers par l’administration américaine en avril, Roche avait annoncé un plan d’investissement de 50 milliards de dollars aux États-Unis. Le groupe s’adjuge ainsi la part du lion des investissements directs suisses promis par Trump, qui s’élèvent à 150 milliards au total. Il estime aussi avoir rempli son devoir concernant les négociations douanières. Roche réalise environ la moitié de son chiffre d’affaires aux États-Unis.

Dans le sillage de Novartis, le groupe avait annoncé en avril investir massivement aux États-Unis pour échapper aux tarifs douaniers. Si Washington impose des droits de douane sur les produits pharmaceutiques, Roche espère bénéficier de crédits d’enlèvement. En effet, la société exporte beaucoup depuis les États-Unis avec sa division Roche Diagnostics, ce qui pourrait affecter ses importations de médicaments.

Négociations en cours avec les États-Unis

L’industrie horlogère suisse et d’autres secteurs d’exportation comptent sur la big pharma hélvétique pour les épauler cette semaine. L’année dernière, ils ont exporté pour environ 32 milliards de francs de produits vers les États-Unis, devenant ainsi les principaux responsables du déficit commercial que dénonce le président américain.

Mais il ne faut pas s’attendre à de nouvelles propositions de Roche. Les tarifs pratiqués aux États-Unis n’ont qu’un rapport indirect avec leur valeur à l’exportation. Il existe des prix de transfert spéciaux pour la valeur des marchandises exportées. Une baisse des prix des médicaments n’a donc pas d’effet sur les statistiques d’exportation.

Depuis un certain temps déjà, Roche négocie directement avec le gouvernement américain et le Ministère de la santé. C’est ce qu’a dévoilé fin juillet son directeur général, Thomas Schinecker, lors de sa présentation semestrielle aux analystes financiers.

Le CEO a souligné que les médicaments pourraient coûter 50% moins cher aux États-Unis sans que l’industrie pharmaceutique ait besoin de baisser ses prix. Roche développe des systèmes de marketing direct en ligne pour certains médicaments, en supprimant les intermédiaires commerciaux. Le gouvernement américain attend des «projets phares», a indiqué Thomas Schinecker.

Il a confirmé que Roche suivrait ses estimations de bénéfices pour 2025. «Nous n’avons jamais manqué nos prévisions, a-t-il déclaré. Nous continuerons à livrer.» La firme a affiché une marge bénéficiaire d’exploitation de 52,2% au premier semestre. À titre de comparaison, le groupe horloger Swatch a enregistré un bénéfice de 2,2% du chiffre d’affaires au cours de la même période.

Malgré ces excellents résultats, Roche préfère maintenir ses perspectives annuelles, par prudence face aux incertitudes liées à Trump. Lors de la présentation aux analystes, le directeur financier, Alan Hippe, a toutefois garanti que Roche assurerait au minimum son taux de marge.

Traduit de l’allemand par Emmanuelle Stevan

La claque des droits de douane des États-Unis

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Se connecterIsabel Strassheim est journaliste économique chez Tamedia depuis 2019. Depuis Bâle, elle couvre principalement les secteurs de la pharma et de la chimie.Benjamin Bitoun travaille chez Tamedia depuis 2015. Au sein de la rubrique Berne, il écrit principalement sur l’économie, la finance et la politique. Il a par ailleurs terminé en 2018 une formation en journalisme de données à New York.@benbitoun

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