Face à une Russie toujours plus offensive et un possible désengagement américain, l’Europe se réarme et s’interroge sur sa sécurité. En première ligne, la Finlande, qui a rompu avec sa neutralité pour intégrer l’Otan. L’ex-président Sauli Niinistö, artisan de ce virage stratégique, a accordé mercredi une interview au 19h30, où il livre une analyse sans détour de la menace russe.

Près de deux ans après avoir tourné le dos à la neutralité historique de son pays, Sauli Niinistö ne regrette rien. « Je reste persuadé que c’était une décision nécessaire », affirme-t-il mercredi dans le 19h30 de la RTS.

L’ancien président finlandais, qui a quitté le pouvoir en 2024 après douze ans à la tête du pays, est l’un des rares dirigeants occidentaux à avoir entretenu une relation personnelle suivie avec Vladimir Poutine. Et pourtant, c’est lui qui a précipité l’adhésion de la Finlande à l’Otan en réponse à l’invasion de l’Ukraine.

Pour Sauli Niinistö, la guerre en Ukraine a agi comme un électrochoc. « Ce qu’on a appris à cette occasion, c’est que la Russie est prête à utiliser la force armée contre un pays européen », rappelle-t-il. Une évidence qui semble avoir échappé à une Europe qui avait été jusqu’alors trop confiante, selon lui: « Dans les années 90, la plupart d’entre nous ont cru que la sécurité était acquise. On se rend compte aujourd’hui qu’on aurait dû rester vigilants », juge-t-il.

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La Finlande, petit pays de 5,5 millions d’habitants, possède une armée impressionnante: elle dispose de la plus grande artillerie d’Europe, de 300’000 hommes mobilisables rapidement, et de 900’000 réservistes.

Pour l’ex-président finlandais, ce modèle de dissuasion active devrait inspirer le reste du continent, d’autant plus que le parapluie américain semble moins fiable qu’autrefois. « Si les États-Unis réduisent leur participation à la défense européenne, on doit être prêts à combler toutes les lacunes de l’Otan (…) et à mon avis, il est possible qu’ils délaissent l’Europe, notamment s’ils décidaient de renforcer leur présence dans le Pacifique », affirme-t-il.

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Interrogé sur sa relation personnelle avec Vladimir Poutine, qu’il a côtoyé de près plus d’une dizaine de fois, Sauli Niinistö décrit un enfant du KGB, mais aussi de la Grande Russie, de plus en plus frustré par la tournure des événements.

« Il a été formé par le KGB, mais c’est aussi en parallèle un fils de la Grande Russie. Le KGB lui a appris comment faire, les moyens. Mais le but, le dessein, c’est une idée profonde de la Grande Russie. Il a été très déçu dans les années nonante, en considérant que les Russes ont été maltraités par le reste du monde. La déception s’est transformée en frustration et la frustration s’est transformée en colère », analyse-t-il. Et d’ajouter: « Ce qui s’est passé en Ukraine, c’est cette idée que la Grande Russie récupère tout ce qui lui a appartenu un jour ».

Enfin, pour résumer l’ambivalence et la réalité de la menace russe, l’ex-président finlandais aime souvent citer cette phrase d’Otto von Bismarck, chancelier prussien du 19e siècle et artisan de l’unification allemande. « La Russie n’est jamais aussi forte qu’elle le croit, mais jamais aussi faible que les autres le pensent ». Une formule qui, selon Sauli Niinistö, reste « toujours aussi vraie ».

Propos recueillis par Philippe Revaz

Adapation web: Tristan Hertig