Boualem Bensaïd, emprisonné à Ensisheim (Haut-Rhin) pour avoir posé une bombe dans le RER B en 1995, aurait dû être libéré le 1er août. Mais sa libération est conditionnée à la délivrance d’un laissez-passer consulaire, en pleines tensions diplomatiques avec Alger. Son avocat prend la parole.

La Quotidienne Société

De la vie quotidienne aux grands enjeux, recevez tous les jours les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.

France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter « La Quotidienne Société ». Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Le 25 juillet 1995, une bombe explosait dans le RER B à la station Saint-Michel, faisant dix morts et près de 190 blessés. Un peu plus de 30 ans plus tard, celui qui est considéré comme le coordinateur de l’attentat pourrait sortir de prison d’un jour à l’autre. L’Algérien Boualem Bensaïd, aujourd’hui âgé de 57 ans, avait certes été condamné à la prison à perpétuité en 2002, mais avec une période de sûreté de 22 ans. La cour d’appel de Paris a donné son feu vert le 10 juillet pour une nouvelle demande de libération, sous condition d’expulsion vers l’Algérie dans la foulée de sa remise en liberté, avec interdiction de revenir en France.

Mais depuis le 1er août, date supposée de sa libération, Boualem Bensaïd reste derrière les barreaux de la prison d’Ensisheim, dans le Haut-Rhin. « On attend la fumée blanche d’Alger », confirme auprès de France 3 Alsace Romain Ruiz, avocat du détenu. Il dit « garder confiance dans la bonne volonté des autorités algériennes » et attendre dès cette semaine le laissez-passer consulaire qui permettrait à son client de sortir de prison et de regagner son pays d’origine.

Pourtant, les voyants ne sont pas forcément au vert pour une éventuelle issue rapide. Les tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie pourraient retarder le processus. « Ça fait des mois qu’Alger n’accepte plus personne de la liste des individus que la France veut expulser vers l’Algérie, expliquait sur France Info le 1er août le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. Dans ce cas particulier, je crois que l’Algérie montrerait son sens des responsabilités en reprenant son ressortissant. »

Conscient de ce contexte diplomatique potentiellement défavorable pour son client, Romain Ruiz assure que si la situation n’a pas bougé d’ici la fin de la semaine, « il est possible que notre attitude évolue ». « Je pourrai poursuivre la préfecture du Haut-Rhin (représentant de l’Etat dans le département où son client est détenu, NDLR) d’un côté, et faire une nouvelle demande de libération de l’autre, tout en demandant à ce qu’il puisse quitter la France par ses propres moyens. Mais pour l’instant, il est trop tôt. Nous sommes encore dans les délais normaux pour obtenir un laissez-passer. » Selon lui, nous serions actuellement dans « une situation de non-droit, où le diplomatique tient le juridique en otage, et où un homme reste en prison alors qu’il n’a rien à faire là. » Le code de procédure pénale prévoit pourtant bien que lorsqu’un détenu fait l’objet d’une interdiction du territoire français, comme c’est le cas de Bensaïd, sa libération conditionnelle est liée au fait qu’il sera éloigné du territoire français une fois libéré.

Le 25 juillet 1995 à 17 heures, une bombe explose dans la sixième voiture d'un train de la ligne du RER B, à Paris (Photo d'archive)

Le 25 juillet 1995 à 17 heures, une bombe explose dans la sixième voiture d’un train de la ligne du RER B, à Paris (Photo d’archive)

© A. ANDUREAU / MAXPPP

Avant la décision de la cour d’appel de Paris, la justice française avait refusé en 2020, puis en 2022, de libérer l’auteur des attentats de 1995. Sa demande de 2025 avait d’ailleurs d’abord été rejetée par la Cour de Cassation le 7 mai. Le 1er août, interrogé par France Info pour réagir à cette libération anticipée, le juge instructeur du dossier des attentats de 1995 n’a pas hésité à insister sur le caractère « violent » de Boualem Bensaïd. « À plusieurs reprises, j’ai échoué à le faire rentrer dans mon bureau, se souvient Jean-François Ricard, eu égard à sa violence extrême, il fallait un nombre de gendarmes extrêmement important pour simplement le faire rentrer dans ce bureau. »

Avant sa condamnation à perpétuité en 2022 pour l’attentat du RER B, il avait déjà été condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour une tentative d’attentat en 1995 contre un TGV Lyon-Paris. Historiquement, Bensaïd est celui qui a marqué l’émergence d’une nouvelle forme de terrorisme en France, comme l’explique Jean-François Ricard. « Le djihadisme est un phénomène nouveau [à l’époque], en tout cas que nous connaissions depuis très peu de temps en France. On a construit toute une série d’outils pour les attentats, pour les dossiers d’instruction de malfaiteurs, pour les réseaux, à partir de cette période. »

La perspective de voir Boualem Bensaïd libre, même hors du pays, ne réjouit pas les survivants des attentats. « J’ai toujours le bruit de la bombe, confie Martine Boutros-Lescoat à nos confrères de France Inter. Je dors toujours qu’avec des cachets. Je rêve de Saint-Michel. Cette semaine encore, j’ai rêvé de la RATP, parce que ça me réveille… et puis des cauchemars », témoigne-t-elle. Elle se dit « étonnée » par cette décision de justice. « Je pensais qu’il serait resté jusqu’à la fin de sa vie » en prison.

En France, la justice peut décider de la libération conditionnelle d’un détenu condamné à perpétuité une fois sa « période de sûreté » expirée. Celle-ci est fixée aux deux tiers de la peine, et peut aller jusqu’à 22 ans pour les personnes condamnées à la réclusion à perpétuité, comme Boualem Bensaïd.