« Une table pour cinq personnes et une poussette? C’est noté. Merci à vous. » Au restaurant O’beach sur les plages du Mourillon à Toulon, les réservations ne sont pas si nombreuses que ça.

En ce mercredi de fin juillet à l’heure du déjeuner, seuls 66 couverts ont été attribués, sur les 160 disponibles.

« On fait un début de saison en demi-teinte, lâche le nouveau co-directeur Étienne Maréchal, qui vient de reprendre l’établissement début juillet. Il y a forcément un peu de déception. »

Sur le mois écoulé, son établissement a affiché entre 10 et 15% de fréquentation en moins, comparé à son prévisionnel qui était pourtant « raisonnable ».

Résultat, sa masse salariale est passée au-dessus des 30% du chiffre d’affaires de son restaurant, alors qu’il tablait plutôt sur 28 ou 29%.

« Un bon mois de juillet, ça permet normalement de compenser des périodes de l’année plus creuses », ajoute le restaurateur.

Pour lui, le pouvoir d’achat en baisse n’est pas forcément la première des raisons. Le patron de l’O’beach, où le ticket moyen tourne autour de 45 euros par personne, en veut davantage à la météo qui a été « handicapante ».

Entre canicule et mistral

« Pendant l’épisode de canicule, les clients ne voulaient pas trop sortir pour déjeuner, raconte-t-il. Et ensuite, on a eu une baisse soudaine des températures, avec un fort mistral, qui a abouti au même résultat le soir. On a eu presque un peu froid. Tout ça n’est pas bon pour le commerce. »

Celui-ci ne veut pas regarder les prévisions des prochains jours. Il préfère croiser les doigts. Tout en comptant sur un bon mois d’août et sur une arrière-saison prometteuse.

En attendant, il se rassure comme il peut: « On tire à peu près notre épingle du jeu, car on sait que c’est pire ailleurs… »

« C’est très, très calme », confirme Émilie Biville, responsable du restaurant italien Il Parasol di Marco, juste à côté.

Celle-ci évoque une chute de la fréquentation de l’ordre de 30%, comparée aux chiffres de juillet 2024. « Pourtant, on a gardé la même carte, les mêmes prix, la même déco… », précise-t-elle.

Depuis le début des vacances scolaires, son restaurant fait entre 180 et 300 couverts, les « rares bons jours » (surtout en début de semaine), quand il devrait fréquemment dépasser les 400. « Si ça continue comme ça, ça peut être compliqué… », glisse la restauratrice.

Un nombre de couverts divisé par deux en dix ans

Un peu plus loin, c’est encore plus la soupe à la grimace dans les rangs du M5, qui prône « une cuisine raffinée, traditionnelle, avec une pointe d’inventivité, mettant en valeur des produits nobles ».

Jean-Philippe Denys, responsable de salle depuis onze ans, résume la situation en deux mots: « Catastrophique, horrible ». « Il y a dix ans, on faisait 200 couverts par jour. En ce moment, on en fait 100, déplore-t-il. Sur un an, on a perdu un tiers de notre clientèle, qui était déjà en baisse. C’est problématique, surtout le soir. »

Au contact avec les vacanciers, celui-ci voit bien qu’il y a une priorisation des dépenses: « Aller au resto, c’est devenu le dernier choix ».  Les touristes semblent préférer le pique-nique ou les repas pris à la maison, ce qui est bien moins onéreux.

Assis dans l’herbe à quelques pas des restaurants, ce couple venu d’Alsace confirme: « Au vu des prix prohibitifs pratiqués par les restaurateurs en bord de mer, qui proposent presque tous les mêmes cartes, on ne se pose même plus la question. On n’a plus les moyens d’aller au resto. »

Faut-il revoir les prix? « Peut-être que les patrons devraient y penser. Mais il ne faut pas croire qu’on se gave. Entre la matière première, les salaires et le loyer… On est loin de faire 80% de marge. »

Cet habitué des lieux, qui a vu les gargotes du Mourillon être remplacées par des restaurants qualitatifs avec « une belle carte, une jolie déco et du personnel qualifié » ne cache pas une certaine frustration: « On en paie les frais, c’est triste ».