Alors que l’avenir des réfugiés syriens est au coeur des discussions en Allemagne, la question épineuse de l’immigration s’intensifie avant les élections nationales du mois prochain.
En tant que pays européen accueillant le plus grand nombre de réfugiés syriens, l’Allemagne a commencé à discuter de plans visant à réexaminer leur statut de réfugié depuis la chute du régime de Bachar al-Assad en décembre.
Mais les différentes propositions se retrouvent confrontées à des obstacles logistiques et financiers majeurs.
La ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, a annoncé cette semaine que la protection accordée aux Syriens en Allemagne sera « réexaminée et révoquée », si, en raison de la stabilisation du pays, les personnes n’ont plus besoin de protection en Allemagne.
Les personnes autorisées à rester en Allemagne devront être des Syriens bien intégrés au sein de la société allemande, a ajouté la ministre de l’Intérieur. Comprendre : maîtriser l’allemand et jouir d’un emploi et d’un logement stables.
Mais le désir de réviser le statut des Syriens en Allemagne pourrait avoir un coût élevé, prévient Alberto-Horst Neidhardt, analyste politique principal au European Policy Centre.
« Poursuivre cette décision et procéder à des révisions de statut serait très coûteux, car cela doit être pensé sur une base individuelle », explique-t-il.
Alors que l’idée des retours forcés fait son apparition dans le débat européen, l’Autriche proposant un « programme ordonné d’expulsions et de rapatriements vers la Syrie », Alberto-Horst Neidhardt met en garde contre le « coût énorme », affirmant que cela pourrait pousser un système déjà fragile au bord de l’effondrement.
La question très controversée des retours forcés est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Sur le plan juridique, le concept n’est pas explicitement défini dans la législation européenne et nécessite une évaluation au cas par cas.
Outre les défis économiques posés par l’implication des autorités nationales et des forces de sécurité, les garanties procédurales requises par le cadre de l’Union européenne (UE) doivent également être mises en œuvre, y compris les systèmes de contrôle du processus et du retour lui-même.
« Les protections des droits humains doivent être maintenues, avec des mécanismes permettant d’identifier les violations potentielles des droits », précise-t-il.
Nancy Faeser a également indiqué que les personnes impliquées dans des activités criminelles ou dans l’extrémisme islamiste pourraient faire l’objet d’une expulsion accélérée, et a exprimé sa volonté d’étendre les programmes de rapatriement volontaire pour ceux qui choisissent de retourner en Syrie.
Si la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock s’est rendue à Damas pour évaluer les perspectives de gouvernance inclusive et les garanties en matière de droits humains, l’Allemagne n’a pas encore clarifié sa position au sujet des nouveaux dirigeants de la Syrie.
Friedrich Merz, président du parti conservateur allemand (CDU) et l’un des principaux candidats à la chancellerie, a appelé à un renforcement des contrôles aux frontières européennes afin d’empêcher les partisans du dirigeant syrien déchu Bachar al-Assad d’entrer dans le pays en passant « inaperçus en tant que demandeurs d’asile ».
Le débat au niveau de l’UE
Avant la chute du régime Assad, les États membres de l’UE ont timidement tenté de normaliser les relations avec son régime. L’Italie, par exemple, a rouvert son ambassade à Damas l’été dernier pour faciliter le rapatriement volontaire des réfugiés syriens.
Toutefois, depuis l’effondrement du régime, l’Union européenne a suspendu les procédures d’asile pour les Syriens, invoquant le « manque de clarté » et la nécessité de réévaluer la situation. Parallèlement, les États membres ont demandé des plans d’expulsion pour les Syriens déjà basés dans l’UE, invoquant l’évolution de la situation en Syrie.
Le commissaire aux Affaires intérieures et à la Migration, Magnus Brunner, a déclaré lors de la réunion du Conseil Justice et Affaires intérieures de décembre que les retours forcés de réfugiés syriens n’étaient pas possibles « pour l’instant ».
Interrogé par Euractiv sur un éventuel changement de position, un porte-parole de la Commission a précisé que les retours pourraient avoir lieu, à condition qu’ils soient volontaires, sûrs et dignes.
Lors de sa récente visite en Turquie, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a expliqué que l’UE travaillait avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), pour s’assurer que ces conditions soient remplies.
Le porte-parole de la Commission a également confirmé à Euractiv qu’elle resterait activement engagée auprès de l’agence de l’ONU pour suivre l’évolution de la situation.
En discutant de la manière de garantir le retour sûr et volontaire des Syriens, le représentant du HCR à Bruxelles, Jean-Nicolas Beuze, a rappelé que l’accent devrait être mis à la fois sur l’aspect des droits et sur la fourniture de services essentiels.
« Nous devons nous assurer que les gens reçoivent des services de base adéquats, de l’éducation, de l’eau potable, de l’électricité […], et que le nouveau régime garantisse les libertés et les droits à chaque groupe ou minorité », a-t-il insisté.
Nick Alipour à Berlin a contribué à la rédaction de cet article.