L’accord qui vise à dissuader les traversées illégales de la Manche est entré en vigueur mardi. Un « projet pilote » qui inquiète les associations d’aide aux étrangers sur le terrain.

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Publié le 06/08/2025 07:37

Temps de lecture : 4min

Un gendarme français face à un bateau transportant des exilés, à la plage d'Equihen, dans le Pas-de-Calais, le 30 juin 2025. (photo d'illustration) (SAMEER AL-DOUMY / AFP)

Un gendarme français face à un bateau transportant des exilés, à la plage d’Equihen, dans le Pas-de-Calais, le 30 juin 2025. (photo d’illustration) (SAMEER AL-DOUMY / AFP)

Un texte pour « prévenir les drames des traversées de la Manche ». C’est ainsi que Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, présente l’accord entre la France et le Royaume-Uni entré en vigueur mardi 5 août. Il prévoit le retour en France des personnes migrantes arrivées sur des bateaux de fortune au Royaume-Uni. En échange, les autorités britanniques promettent d’accueillir les personnes ayant fait une demande d’asile et disposant de documents en règle, « sous réserve de critères d’éligibilité clairs et de contrôles de sécurité rigoureux ». L’objectif est clair : stopper les traversées illégales. Un accord ne décourage pas les migrants à Calais, mais inquiète les associations qui leur viennent en aide.

Le soleil tape sur le terrain vague, où des dizaines de personnes se pressent pour la distribution alimentaire. Abdohan, 20 ans, est assis sur un banc. Il vient du Soudan, aime le hip-hop, Tupac, Eminem et veut étudier en Angleterre. « J’ai commencé une licence d’anglais et j’aimerais finir mon cursus là-bas, terminer mon voyage » explique-t-il.

Arrivé à Calais il y a quelques jours, il n’a pas encore essayé de traverser la Manche. La météo n’est pas très bonne en ce moment, mais il y pense. L’accord entre la France et le Royaume-Uni ne l’inquiète pas. Il raconte qu’il « ne [s]’intéresse pas trop à la politique. Traverser, c’est difficile, mais si j’essaie, j’y arriverai ».

Pendant leurs maraudes, les militants associatifs répondent aux questions des migrants sur cet accord. Angèle Vettorello est coordinatrice d’Utopia 56 à Calais, association d’aide aux étrangers, elle constate que « sur le terrain, les personnes sont au courant. Elles sont surtout inquiètes de la réponse policière et de ce à quoi elles peuvent faire face sur les plages plutôt que cette idée d’être renvoyées en France. Pour l’instant, ce sont des choses qui ne sont pas palpables et on ne sait pas de quelle manière ça va être mis en place ».

Les traversées ont ralenti les derniers jours à cause du vent. Elles devraient reprendre en fin de semaine. Difficile de savoir ce qui attend les bateaux et leurs passagers. « On peut imaginer qu’il y a des personnes qui vont être arrêtées à leur arrivée en Angleterre plutôt qu’être conduite dans des logements provisoires. Et dont le statut va être jugé apte à être renvoyés en France, via des voies dont on ne sait pas comment elles vont être mises en place ».

Quant à l’accueil légal des étrangers en règle par le Royaume-Uni, Adrien Delaby, délégué général de l’Auberge des migrants, n’y croit pas vraiment. « Il n’y a rien de nouveau dans cet accord. Ils présentent comme une nouveauté de permettre une voie sûre d’accueil, mais c’est quelque chose qu’ils sont déjà censés faire. Ce sont souvent des dossiers interminables qui n’aboutissent pas ou très peu et donc voir ça changer aussi rapidement, ça me paraît impossible » commente-t-il. Il craint au contraire que l’accord entre les deux pays vienne compliquer encore plus des situations déjà précaires.

« Il y a encore plus un risque que des personnes soient renvoyées en France pour, finalement, réessayer de passer avec le risque d’une boucle sans fin qui ne résout pas du tout la situation. »

Adrien Delaby, délégué général de l’Auberge des migrants

à franceinfo

De l’autre côté de la Manche, le ministère de l’Intérieur britannique promet de placer en détention des migrants dès la fin de semaine pour les renvoyer en France. Ce « projet pilote », destiné à lutter contre l’immigration illégale, « restera en vigueur jusqu’en juin 2026 et, au cours de cette période, les deux pays se sont engagés à revoir et à améliorer continuellement le processus », indique encore le ministère de l’Intérieur britannique.