Par
Camille Larher
Publié le
6 août 2025 à 7h02
Visage familier de Perros-Guirec (Côtes-d’Armor), il avait peu exposé de son vivant. Le peintre Marcel Le Toiser bénéficie d’une belle occasion de se faire connaître, hors des terres de son Trégor natal.
Même s’il n’est plus là aujourd’hui pour en profiter, celle qu’il considérait comme sa nièce par adoption, Janine Denmat, en était émue, en juin dernier. Les chemins de croix que le peintre a réalisés pour l’église Saint-Jacques de Perros-Guirec et celle de l’Île-Grande quittaient les murs froids de leur demeure pour un voyage de quelques mois en pleine lumière, à la maison Saint-Yves de Saint-Brieuc.
Sublimer ses peintures
Le travail de Marcel Le Toiser a été redécouvert il y a quelques années. « Un artiste oublié, sauf de quelques-uns à Perros même, qui réveillent la mémoire, recueillent les souvenirs, rassemblent et photographies son œuvre », écrit, dans un ouvrage paru en 2023, Denise Delouche, professeure émérite de l’université de Rennes 2 et spécialiste dans l’étude des peintres de la Bretagne du XIXe siècle à aujourd’hui. Elle veut sans doute parler de l’amateur passionné Pierre Kerlévéo, qui signe la préface et dont les investigations ont permis d’identifier 300 toiles, 200 dessins et 50 sculptures.
Le travail de promotion a payé : une cinquantaine d’œuvres du peintre perrosien sont visibles dans le bâtiment diocésain briochin tout l’été, depuis le 4 juillet et jusqu’au 27 septembre 2025. Elles sont issues de collections privées – sauf les deux chemins de croix -, prêtées pour l’occasion.
L’objectif de cette exposition est « de sublimer les peintures de Marcel Le Toiser », soulignent Maud Hamoury et Bernadette Chevalier, de la maison Saint-Yves, responsables de la médiathèque pour l’une et des animations pour l’autre.
Une œuvre pas assez mise en valeur
Selon Pierre Kerlévéo, l’œuvre de Le Toiser n’est pas suffisamment mise en valeur. D’où une certaine émotion à l’heure de voir les chemins de croix emballés, bien protégés, quitter le Trégor.
« Son style très personnel et reconnaissable échappe à tout classement », relate un critique d’art dans le Provençal, le 2 décembre 1959. Il a peu exposé de son vivant : à Aix-en-Provence en 1959 et 1962, une seule fois à Paris à la Maison de la Bretagne en 1962.
Un an après sa mort, le 14 mai 1982, la Ville de Perros organise une expo-hommage au palais des congrès. Une autre s’est tenue au temple en 2021 et au presbytère de Trégastel en 2023.
La réalisation des deux chemins de croix constitue son œuvre majeure. Pour l’église Saint-Jacques, c’est le chanoine Le Floc’h qui lui en fait la demande, en 1964. « Un curé à coup sûr ouvert d’esprit », note Pierre Kerlévéo. En effet, le style de Le Toiser est moderne avec ses grands aplats de matière picturale épaisse, étalée au couteau.
« Il se réclamait du fauvisme, de Matisse, Derain, de Vlaminck pour ses ciels balayés et de Friesz. La peinture doit crever le mur, affirmait-il », peut-on lire dans l’ouvrage Marcel Le Toiser, Un peintre à Perros-Guirec, de Denise Delouche.
L’un des chemins de croix a été réalisé pour l’église Saint-Jacques de Perros-Guirec. ©Camille LarherUne 15e station
Pour réaliser le chemin de croix de la cité des hortensias, l’artiste se plonge dans les textes. « Ses notes nous révèlent comment il imagine la Passion, se projetant lui-même presque physiquement dans les souffrances endurées par un semblable », décrit la spécialiste des peintres bretons. Des notes et croquis en sont témoins.
« C’est l’un des plus beaux chemins de croix de France – hélas sans éclairage ! », relève Pierre Kerlévéo. En plus des 14 stations, Marcel Le Toiser s’accorde l’audace d’en peindre une quinzième représentant la résurrection du Christ debout, les mains tendues vers l’humanité.
Probablement plus tardive, la commande du chemin de croix de l’église Saint-Marc sur l’Île-Grande n’est pas documentée. Le style est complètement différent de celui de Saint-Jacques à Perros. Il est plus naïf et minimaliste, se concentrant sur les visages.
Janine Denmat se souvient avoir servi de modèle pour le dessin d’une main sur la station n°6 du chemin de croix de Perros intitulée Une femme essuie le visage de Jésus. Elle espère que le peintre, qui habitait tout près de l’église, sorte peu à peu de l’oubli. À ses côtés pendant six ans, celle qui l’a côtoyé de près est toujours très attachée à faire (re) vivre son œuvre.
Exposition Marcel Le Toiser – Un peintre à Perros-Guirec, jusqu’au 27 septembre, à la Maison Saint-Yves. Visite guidée gratuite en présence de Pierre Kerlévéo mardi 12 août à 16 h 30.
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