Sourire aux lèvres, voix posée au fil des minutes, l’ailier polyvalent s’est confié en longueur pour expliquer son choix de quitter Brive pour Toulon, un club pour lequel il a toujours eu une affection dans sa jeunesse au gré des vacances d’été en famille.

Vous avez fait vos premiers pas avec le RCT. Comme se déroule cette nouvelle aventure ? 

J’ai repris officiellement le 21 juillet, après une bonne coupure. J’ai eu le temps de préparer mon déménagement. La première semaine, on avait décidé avec les nouveaux joueurs de venir plus tôt, de s’entraîner entre nous. On avait envie de se découvrir et de prendre nos repères avant la vraie reprise. C’était franchement sympa, et on a eu le temps de s’approprier les installations. Ces deux premières semaines ont été bonnes. Tout se passe très bien, les gens sont sympas. Je suis franchement très content de mon choix, car tout se passe pour le mieux. L’environnement est incroyable, le cadre est magnifique. Il y a tout pour aller chercher la performance.

Quel genre d’homme êtes-vous dans un groupe ?

Avant tout, je voulais revenir en très grande forme pour montrer une bonne image à Pierre (Mignoni, NDLR), au staff et à mes nouveaux coéquipiers. J’ai beaucoup joué ces dernières saisons, mais après la coupure, je me suis dit que c’était important de faire les efforts en vue de cette nouvelle aventure. Je repars à zéro sur du nouveau : nouvelles têtes, nouveaux entraînements, nouvelle maison, nouveau lieu de vie… Ça fait du bien mentalement ! Franchement, tout est très bien, j’ai l’impression d’un peu tout redécouvrir et donc je m’adapte peu à peu. Je sens déjà une routine qui arrive, et les processus qui se mettent en place. Le matin, quand je me lève, je suis très heureux d’aller m’entraîner. Il fait beau, le temps est incroyable… Non, vraiment, je ne regrette pas du tout mon choix ! Je suis heureux. Je n’ai rien d’autre à vous dire hormis que je me régale vraiment d’être ici.

Pouvez-vous nous raconter les coulisses de votre arrivée, alors que vous étiez encore sous contrat avec Brive ?

Sans mentir, tout s’est fait assez naturellement. Je ne me suis jamais trop pris la tête, je fonctionne beaucoup à l’instinct. Quand j’ai su que Toulon était entré en contact, j’ai dit que j’étais intéressé. Pierre (Mignoni, NDLR) m’a alors appelé. J’ai vraiment accroché à son discours, à son projet qui est hyper intéressant. C’était une suite logique de rejoindre Toulon. J’ai ressenti que c’était le bon moment pour partir de Brive. Je sors d’une aventure de sept ans, et je ne regrette rien de ce que j’ai pu faire à Brive. J’ai fait sept belles années, j’ai vécu de merveilleux moments, j’ai rencontré de superbes personnes. Même s’il y a cette demi-finale… C’est la loi du sport ! On ne peut pas revenir en arrière. Je ne pense plus à cet échec, et je me projette sur cette nouvelle aventure passionnante.

Vous n’êtes pas trop dépaysé puisque vous avez rejoint une colonie nombreuse d’anciens Brivistes. Est-ce que cela a été un élément important dans votre choix ?

Honnêtement, c’est un facteur qui rassure. J’ai joué avec Enzo (Hervé), Dany (Brennan), Esteban (Abadie), Seta (Setariki Tuicuvu). C’est forcément une aide quand on arrive dans un autre club. Bien évidemment, avant de faire mon choix, j’ai eu des discussions notamment avec Dany, Esteban et Enzo. Ce sont des joueurs avec qui je m’entendais très bien à Brive. Ils m’ont raconté la vie ici, le groupe, la ville, le club. Ils m’ont tous dit que c’était incroyable. Ce sont des gars de confiance, et ça m’a motivé à relever ce défi. S’ils sont épanouis, je me suis dit : « Il n’y a pas de raison que ça ne plaise pas. » Je connais aussi des mecs de l’équipe de France moins de 20 ans comme Joé (Quéré-Karaba), ou Corentin (Mézou). C’est vraiment cool de tous les retrouver !

Est-ce qu’il y a un point qui vous a particulièrement convaincu ?

J’ai vraiment écouté mon feeling. J’ai su rapidement que j’avais envie d’aller à Toulon. C’était naturel. Puis, Toulon, c’est un club que j’ai toujours regardé à la télévision. Quand j’étais petit, j’avais même des maillots de Toulon (rires) et j’ai quelques anecdotes.

On vous écoute…

Petit, avec ma famille, je suis venu quelques fois voir des matchs lorsqu’on partait en vacances en Corse avec mes parents, ma marraine, et les meilleurs amis de mes parents. Mon grand frère était pour Toulouse, tout comme son copain. Et moi, avec le fils de ma marraine, on était pour Toulon (rires). Quand on faisait des deux contre deux, après ces vacances, j’étais donc un joueur de Toulon dans le jardin (sourire) et je jouais contre Toulouse ! C’est fou. Quand on gagnait, on chantait comme les supporters de Mayol. Gamin, j’avais même appris le Pilou-Pilou ! Je le criais partout dans la maison. Donc, voilà, ma famille ne sera pas dépaysée. Je peux vous dire que tout le monde a basculé sur Toulon et le RCT. Ils vont nous supporter.

Cahors, Brive, puis Toulon… On peut dire que ce sont des villes qui vivent pour le rugby. Est-ce un hasard ou est-ce que c’est une volonté ?

J’ai été habitué comme ça déjà depuis petit. Mon père m’entraînait au rugby, tous mes amis sont issus du rugby, mon frère joue, et ma mère était bénévole au sein d’un club… J’ai baigné dans tout ça ! En fait, sans m’en apercevoir, on parle toujours rugby même avec ma tante, mon oncle. J’ai retrouvé ça à Brive. J’aime ça, le fait que les supporters soient à fond. J’ai besoin de ressentir ça, et même d’entendre que je ne suis pas bon quand c’est le cas. Parce que je sais que ces gens donnent tout. J’aime que le club pour lequel je joue puisse avoir un impact sur la ville. Ici, ça vit aussi pour le rugby. Ça m’aide à me surpasser et à me faire progresser. Au fond, tout pousse à ne pas décevoir les supporters. J’ai besoin d’être connecté au rugby le plus souvent possible. Le rugby est ma passion, et cela ne me dérange pas de partager ça avec le plus de monde possible, même si maintenant je suis aussi un joueur.

Il peut aussi y avoir le revers de la médaille en cas de mauvaises performances…

Moi, ça m’a toujours aidé à être meilleur. Je sais qu’il y a une responsabilité de jouer ici. Je n’ai pas envie de décevoir, encore plus quand tu es un nouveau. Je suis exigeant et j’ai envie de mettre la barre au top niveau. La pression, je veux m’en servir. J’ai envie que l’on dise rapidement de moi que je suis un chien, que je suis un gars qui se bat pour ce maillot. Ici, il faut se battre, bien évidemment pour tes coéquipiers, mais surtout pour un club, un blason, une ville et une région. Les gens ont l’amour du maillot ici, et j’espère en être digne le plus rapidement.

Vous évoquez beaucoup votre famille. Vous étiez à une heure de votre cocon de Cahors. Est-ce qu’ils ont eu une incidence sur votre choix ?

Je suis très famille. Quand je rentre à Cahors, je voulais aller voir mon frère au rugby, je faisais une bise à mes oncles, tantes, cousins. Je passe la journée chez ma grand-mère où je joue à des jeux. Mes parents m’ont laissé le choix, mais ils n’ont jamais dit que serait une mauvaise idée de signer ici. Ils m’ont soutenu à 100 % dans ma réflexion. En vérité, l’éloignement avec la famille a été le facteur qui m’a fait le plus réfléchir. Mais, je suis sûr que ça va me faire grandir. Ça va me faire du bien, mais bien évidemment que je me suis dit : « Si tu es loin d’eux, est-ce que tu seras bien dans la tête ? » Si tu n’es pas bien dans ta vie, tu n’es pas bien au rugby. Mais, je ne suis pas venu tout seul ici puisque ma petite amie, qui est de Cahors, m’accompagne. On va se soutenir, à deux, dans cette aventure. Pour l’instant, je peux juste vous dire que je suis bien et heureux. La famille vient beaucoup nous voir, il n’y a que cinq heures de route.

Revenons au terrain. Pour le moment, aux entraînements, on vous voit évoluer uniquement à l’aile…

Oui, vous avez bien vu. C’est plaisant !

Avez-vous envie de continuer à cultiver votre polyvalence à Toulon ?

Je suis là pour rendre service. Depuis tout petit, j’ai appris à jouer de partout. À la mêlée, à l’arrière ou à l’aile, cela ne change rien pour moi. J’ai de l’expérience sur les trois postes. Pour l’instant, je m’entraîne à l’aile, mais je sais que je vais travailler au fur et à mesure sur les autres postes. Pierre (Mignoni) compte sur ma polyvalence. Il n’y aura, dans tous les cas, aucune excuse à avoir… Ce sera à moi d’être bon !

Est-ce que cela rend plus difficile l’apprentissage d’un nouveau plan de jeu ?

Non, pas vraiment. Quand je m’entraîne à l’aile, je regarde beaucoup ce que font les arrières et les demis de mêlée. J’essaie d’anticiper les choses, pour éviter d’être perdu. Il y a des automatismes à prendre, bien sûr, mais c’est toujours le cas quand tu découvres des coéquipiers. Je ne passe pas trois fois plus de temps devant le plan de jeu (rires). Je fais confiance aussi à mon instinct, et j’utilise beaucoup la vidéo depuis mon plus jeune âge. Je suis très rugby. Depuis petit, je loupe peu de matchs, et je regarde beaucoup la télévision. J’adore vraiment ce sport, et vous pouvez me voir en tribunes sur des matchs d’Honneur, de Fédérale 2… Déjà, quand je suis à Cahors, je vais toujours les voir et en plus il y a mon frère. Depuis l’âge de cinq ans, c’est une vraie passion.

Au niveau international, les sélectionneurs tentent de plus en plus des bancs avec sept avants et un trois-quart. Vous avez la polyvalence pour le faire. Est-ce que les Bleus sont dans un coin de votre tête ?

Avant tout, il y a Toulon et le fait de rejouer en Top 14. C’était une suite logique. J’avais le besoin de voir autre chose après sept ans à Brive. J’ai tout adoré là-bas, mais je suis un compétiteur. J’avais envie de retrouver le très haut niveau pour voir ce que je valais face aux meilleurs. Pour l’équipe de France, je ne vais pas vous mentir : c’est dans un coin de ma tête. Je suis conscient que ça sera compliqué d’y aller quand je vois la concurrence, et je sais que j’ai encore du boulot. Je vais travailler pour me donner les moyens d’y aller, mais je ne me suis jamais dit : « Mathis, il faut y être dans six mois, un an… » Loin de là ! Mais, l’ambition est là. J’ai le goût de l’apprentissage et de la compétition. Je suis un éternel insatisfait, et je veux aller chercher très haut.