Le roman de Bram Stocker a décidément droit aux honneurs, cette année ; après l’excellent Nosferatu, de Robert Eggers, sorti en janvier dernier, Luc Besson livre aujourd’hui sa propre version cinématographique de Dracula. Un défi de plus en plus complexe à relever, tant le mythe du vampire a été vu et revu. D’autant que Luc Besson – cinéaste-producteur partisan de l’américanisation outrancière du cinéma français depuis les années 80 – n’a jamais fait montre, selon nous, d’un goût particulièrement raffiné, jusque-là. Comme Jan Kounen ou Mathieu Kassovitz, ce flagorneur zélé et bourrin des réalisateurs outre-Atlantique n’a rien trouvé de mieux, pour contrer le cinéma bourgeois parisien, héritier de la Nouvelle Vague, que d’éradiquer dans son imaginaire intellectuel toute trace de francité. Si bien que certaines innovations de son Dracula nous ont agréablement surpris…

D’abord un hommage au film de Coppola

Tournée entre les studios de Tigery (dans l’Essonne) et la Finlande (pour les extérieurs), cette nouvelle itération – considérée d’ores et déjà comme le film français le plus cher de 2025, avec ses 45 millions d’euros – reprend l’histoire du célèbre vampire roumain, inspiré du voïvode Vlad III l’Empaleur (Vlad II, nous dit à tort le film…). Mais plutôt que de partir du roman de Bram Stocker, Besson recycle en guise d’hommage la trame imaginée par Francis Ford Coppola dans sa version de 1992. En effet, le prince de Valachie, après avoir repoussé les invasions ottomanes au nom de l’Église catholique, provoque malgré lui la mort de sa compagne Elisabeta – personnage qui n’existait pas dans le roman d’origine – et, par désespoir, vend son âme au diable et devient vampire. Quatre cents ans plus tard, Dracula va avoir l’occasion de retrouver son amour perdu et de se lier à elle pour l’éternité…

Une intrigue délocalisée en France

Disons-le d’emblée, la version de Luc Besson n’a pas le charme néogothique de celle de Coppola ni la beauté expressionniste de celle réalisée par Eggers. Bourré de tics publicitaires et clippesques, comme nous y a habitué le cinéaste tout au long de sa filmographie, le film propose malgré tout quelques innovations audacieuses : outre une bande originale signée Danny Elfman, compositeur habituel du cinéma romantique de Tim Burton, on salue le choix de délocaliser l’intrigue de Londres vers Paris, à une époque où le milieu ecclésiastique français est en bute avec le monde scientifique et la philosophie du Progrès. Exit le chasseur de vampires Van Helsing, ce sont dorénavant un prêtre et un médecin (joués respectivement par Christoph Waltz et Guillaume de Tonquédec) qui, contre toute attente, vont devoir liguer leurs forces pour affronter Dracula. Dommage que tout ce beau monde s’exprime en anglais…

Pour un public adolescent

Poussant le romantisme à son paroxysme, Luc Besson privilégie son histoire d’amour, humanise son vampire au point de lui conférer des sentiments contradictoires et de lui confier ainsi les clefs de la résolution de l’intrigue. L’image de la créature diabolique et dévastatrice en prend un sérieux coup – tout le monde n’appréciera pas cette incursion dans l’imaginaire adolescent de Twilight et de Vampire Diaries. De même, l’utilisation ad nauseam de gargouilles en images de synthèse, suppôts de Dracula, n’était pas indispensable… En bref, s’il fallait n’en choisir qu’une pour 2025, nous recommanderions sans hésiter au lecteur la version de Robert Eggers ; son Nosferatu est d’un tout autre niveau, que ce soit en termes d’écriture ou de mise en scène.

2,5 étoiles sur 5

 


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