DÉCRYPTAGE – Certains consommateurs recourent aux pastilles d’hydratation enrichies en électrolytes et vendues en pharmacie pour contrer les effets de l’alcool. Précisions et avis de la médecin généraliste Faïza Bossy.

Depuis quelque temps, les lendemains de soirées de Charlotte (1) ne sont plus les mêmes, dit-elle. L’affaire n’a rien à avoir avec le palier des 40 ans qu’elle vient de franchir ; ou pas totalement en tout cas. Voilà deux ans qu’elle a testé l’Hydratis, du nom des pastilles hydratantes effervescentes vendues en pharmacie, censées améliorer et accélérer l’hydratation. Pour réhydrater son corps au lendemain d’une soirée arrosée, cette mère de deux enfants en bas âge avait déjà l’habitude de prendre occasionnellement de l’Adiaril, une solution de réhydratation pour bébé. Mais lors d’un festival d’été, Charlotte découvre une version plus pratique que les sachets à diluer : une pastille que certains des amis qui l’entourent plongent dans un grand verre d’eau pour maintenir leur hydratation durant une journée riche en pintes de bière. Alors elle tente l’expérience. Une révolution, selon elle. Depuis, si Charlotte se décrit plutôt comme une «petite buveuse», elle ne sort presque plus sans son Hydratis. «J’en prends un avant de me rendre à une grosse fête ou bien au retour, avant d’aller me coucher, en préventif», indique-t-elle. Et lors du week-end organisé pour ses 40 ans le mois dernier, une cargaison d’Hydratis était prévue pour les 70 convives.

Charlotte n’est pas la seule à dégainer son tube de pastilles pour contrer les effets de l’alcool. Depuis 3 mois, Jeremy, consultant en marketing de 33 ans, a troqué son Efferalgan de lendemain de soirée au petit déjeuner pour la pastille hydratante, et ne manque pas d’en faire la promotion. «J’en ai parlé à des collègues et leur ai fait tester, raconte celui qui achète un tube de 20 pastilles par mois en pharmacie. Au lendemain de la dernière soirée du personnel, tout le monde m’en a demandé.» Si Adrien, ingénieur de 25 ans, en consomme aussi lors d’un effort physique, notamment lorsqu’il passe la journée sur un voilier en plein soleil ou lors de sessions de course à pied, Hydratis est devenu un réflexe anti-gueule de bois. «C’est rentré dans mes habitudes et j’en prends deux dans une pinte d’eau au retour d’une soirée, décrit-il. L’effet est peut-être placebo mais je remarque tout de même que les lendemains sont plus simples et que je ressens moins la fatigue».


Passer la publicité

Les dommages de l’alcool toujours bien présents

Tous ici détournent l’utilisation première pour laquelle sont faites ces pastilles. Sur le site d’Hydratis, aucune vertu anti-gueule de bois n’est d’ailleurs mentionnée. La marque française, née en 2019, s’est lancée – comme d’autres – sur le marché de l’hydratation partant du principe que la population ne boit pas assez au cours de la journée. Leur credo ? «Boire de l’eau, c’est essentiel. La rendre plus efficace, c’est notre job», peut-on lire sur le site. Pour ce faire, Hydratis propose des pastilles pour aromatiser l’eau (la marque propose 11 saveurs), enrichies en électrolytes, glucose et minéraux. La formule est inspirée de celle du soluté de réhydratation orale, développé par l’OMS pour lutter contre la déshydratation notamment dans les pays en développement. La marque se base ainsi sur un principe physiologique bien établi : l’association du glucose et du sodium pour améliorer l’absorption de l’eau par le tube digestif.

Mais quid d’un éventuel effet anti-gueule de bois ? «Comme l’alcool déshydrate en inhibant l’hormone antidiurétique, répond Faïza Bossy, médecin généraliste, ces pastilles vont pouvoir contribuer à rétablir un peu plus rapidement l’équilibre hydrique en apportant du sel.» Mais finalement, poursuit-elle, le geste ne sera pas plus efficace qu’un autre tout aussi simple et pratiqué en amont : celui de boire de l’eau tout au long de son dîner ou de sa soirée. La médecin souligne aussi qu’une même recette peut se faire «maison», presque gratuitement, en glissant dans un grand verre d’eau une cuillère à café de sucre et une pincée de sel. «Enfin, et surtout, la pastille n’annule pas les dommages causés par l’alcool sur le corps et le cerveau», insiste Faïza Bossy.

Un individu en bonne santé peut tout à fait se satisfaire de l’eau pour rester hydraté

Dr Faïza Bossy

Pour cette dernière, ces comprimés ne sont intéressants que dans certains cas : lors d’un effort physique, comme une longue randonnée en été, ou lors d’un trajet de plusieurs heures en voiture, par exemple, si l’on ne veut pas s’encombrer de bouteilles d’eau. Ceci étant dit, derrière ces pastilles, la professionnelle de santé voit surtout des «boosteurs de l’ordinaire». «Le marketing surfe sur la tendance fonctionnelle de la nutrition : nous ne voulons plus seulement être un être humain dynamique et en bonne santé mais dynamique et performant, conclut-elle. Or, nous avons déjà tout ce qu’il nous faut dans la nature. Et un individu en bonne santé peut tout à fait se satisfaire de l’eau pour rester hydraté.» Et garder la modération en ligne de mire lors d’un dîner arrosé.

(1) Le prénom a été modifié.